Cinq pratiques pour assurer une approche communicative/expérientielle

Par Erika Morin-Nett

Une image est gravée dans ma mémoire : un groupe d’adultes, pourtant très enthousiastes il y a une heure, me regarde poliment, leurs visages empreints d’ennui. Derrière moi, un tableau présente une liste exhaustive de mots interrogatifs. Qu’est-ce qui est arrivé? La formation sur l’approche communicative que je venais de suivre m’avait enchantée et reflétait la manière dont j’enseignais dans une école d’immersion. Et pourtant, lors de mon premier cours de Conversational French je suis retombée dans les méthodes que j’avais subies à l’école secondaire.

Depuis ce temps, j’ai eu l’occasion de bien m’approprier la méthode communicative/ expérientielle. Mais je sais que ce n’est pas facile d’adopter une méthode qui dépend, en partie, de la participation des apprenants et apprenantes. C’est pourquoi je m’assure que le matériel didactique que nous produisons pour nos cours de Français oral (la Collection À Vous!) repose sur des pratiques qui facilitent la mise en application de cette approche par notre personnel enseignant. Voici donc cinq pratiques à adopter pour favoriser l’approche communicative/expérientielle dans vos cours.

1. Les objectifs du cours sont formulés en tant que compétences linguistiques.

Commencer par des énoncés tels « Je peux décrire ma famille; je peux parler du temps qu’il fait ; je peux raconter une anecdote en indiquant clairement que les faits se situent dans le passé », évitant ainsi des objectifs grammaticaux du genre « l’accord des qualifiants, les expressions du temps, le passé composé ». C’est plus motivant pour les apprenants et apprenantes, et ça facilite la planification des leçons interactives. Vous pouvez trouver des exemples dans les descripteurs des Niveaux de compétences linguistiques canadiens et du Cadre européen commun de référence pour les langues. Dans notre matériel, les compétences du niveau sont présentées dans une grille d’autoévaluation au début du cahier.

2. Les activités de communication sont les « vedettes » de la leçon.

Donner la priorité aux activités interactives qui favorisent un échange authentique entre apprenants. À mon avis, la plupart du temps en classe devrait être consacré à l’interaction orale. C’est pourquoi nous réservons une section majeure dans nos cahiers intitulée « Activités communicatives », qui comprend des activités qui suscitent une production orale et qui varient selon les préférences et les expériences des individus. On y trouve des sondages, des tâches à effectuer en sous-groupe, des entrevues, des sujets de discussion, et ainsi de suite. Nous proposons d’autres activités dans le guide pédagogique du niveau. Si votre programme n’est pas aussi complet que le nôtre, je vous recommande de créer une banque d’idées dont vous pourrez puiser pour établir le noyau de vos leçons.

3. On présente les points de langue judicieusement.

Les nouveaux concepts sont plus faciles à assimiler s’ils sont présentés au bon moment, en contexte et peu à peu. Le bon moment dépendra de votre programme et de votre groupe, mais en général, c’est quand on voit une lacune ou un besoin. Si vous avez une activité de communication en tête, vous avez déjà un contexte. Sinon, il faut en trouver un, en évoquant une situation réelle qui nécessite l’emploi du point à présenter. Typiquement, l’aspect le plus difficile est de présenter le concept en petites bouchées, car (comme moi au début de ma carrière) on a tendance à vouloir donner des renseignements très complets. Pour éviter cela, essayer de ne fournir que les outils pour la tâche immédiate, plutôt que « tout le catalogue ». Par exemple, un premier échange sur sa routine matinale exigera des verbes pronominaux, mais il est sage de se limiter aux formes « je me...» et « tu te....». Rappelez-vous qu’il s’agit d’un apprentissage en spirale; les apprenants reverront chaque concept en plus de profondeur à mesure qu’ils avancent.

4. Le cours fournit une expérience sociale et positive.

Avant tout, il faut créer une ambiance détendue et respectueuse, où il est normal de faire des erreurs. Ensuite, profiter de toutes les occasions pour interagir et parler de façon informelle : la planification d’un événement, l’échange de nouvelles personnelles, la discussion avant de prendre une décision, etc. Encourager les participants à parler entre eux de sujets qui les intéressent sans toujours s’inquiéter de la précision de leur emploi de la langue. En envisageant le cours comme une expérience d’apprentissage au lieu d’un contenu à transmettre, on peut voir ces échanges comme des opportunités de bâtir des relations, de développer les compétences visées et de prendre des risques avec la langue.

5. Les apprenants sont évalués sur les mêmes compétences qui ont été présentées comme objectifs.

Dans notre programme de Français oral, tous les cours se terminent par le « but expérientiel », un projet interactif qui fournit l’occasion de mettre en pratique un grand nombre des compétences apprises en classe. Par exemple, en organisant une vente bric-à-brac, les participants doivent utiliser et comprendre des nombres, décrire des vêtements et d’autres articles, poser des questions simples, etc. Ces mêmes compétences figurent aussi sur le formulaire d’évaluation formative. Nos guides pédagogiques proposent un but, ainsi que des étapes pour le réaliser, intégrées dans les plans de leçon. Le personnel enseignant peut choisir de faire un autre projet, à condition de mettre en évidence les compétences principales du niveau. Le but expérientiel fournit le moment idéal de faire de l’observation en vue de l’évaluation. Cela dit, si vous préférez ne pas organiser une telle activité, vous pouvez trouver d’autres moments pour vérifier à quel point chaque apprenante ou apprenant a acquis les compétences visées.

En incorporant ces cinq pratiques dans les ressources pour nos programmes, la Division de l’éducation permanente a pu permettre à une équipe enseignante très diverse de mettre en application l’approche que nous préconisons. Je reconnais que le défi est plus grand pour le personnel enseignant qui n’a pas cet appui. Mais j’espère avoir donné quelques pistes qui permettront d’aborder cette approche plus facilement.

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Erika Morin-Nett | Coordinatrice

Université de St-Boniface | Division de l'éducation permanente

Erika Morin-Nett a enseigné au primaire en immersion française avant de faire la transition à l’enseignement aux adultes, animant des cours de français oral et d’anglais langue additionnelle offerts par les divisions de l’éducation permanente de l’Université de Winnipeg et du Collège universitaire de Saint-Boniface (actuellement l’Université de Saint-Boniface (USB). Depuis quinze ans, Erika travaille comme coordonnatrice à la Division de l’éducation permanente de l’USB, où elle se charge des programmes Français oral et French Immersion for Teachers, ainsi que de la mise à jour de la Collection À Vous.

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