La santé mentale chez les tout-petits, encore un sujet délicat

Par Catherine Cloutier-Charette

Lundi matin. Six heures, le cadran sonne. Maman ouvre les yeux et son cœur se serre, ce matin d’école ne sera pas différent des autres. Elle est déjà épuisée. Coco ne veut pas se lever, s’oppose, prend son temps. « On va être en retard! ». « Je ne veux pas aller à l’école!!! ». Alors maman monte le ton, Coco pleure. Elle le dépose à l’école le cœur en miettes.

Et si c’était plus que de l’opposition, plus que des caprices? Qu’est-ce qui se cache sous les comportements de coco le matin? Sous ses notes qui sont à la baisse? Maman se questionne.

Nous entendons de plus en plus parler de la santé mentale dans les médias, et c’est tant mieux! Cependant, il est rare que l’on aborde ce thème en pensant aux enfants. Et pourtant… ils vivent beaucoup de pression notamment en milieu scolaire et se retrouvent souvent seuls avec leurs émotions, puisqu’ils ne disposent pas nécessairement de la maturité émotionnelle suffisante pour nommer les choses. 

Et puis nous, en tant qu’adulte, on ne se doute pas nécessairement qu’un enfant puisse vivre autant de souffrance. Pourtant, les enfants aussi peuvent vivre beaucoup d’anxiété, et même… une dépression. Ces mots peuvent faire peur. Ce n’est pas la première chose qui nous vient en tête, même lorsque notre enfant commence à démontrer des symptômes.

Les symptômes : difficiles à déceler

Madame Annie a remarqué que Coco manque de concentration et de motivation. Qu’il s’isole et joue seul la plupart du temps. Il ne se mêle plus aux conversations de groupe. 

Mais il sourit quand elle le prend en individuel pour travailler à son bureau, il n’y a aucun message des parents, elle se dit que tout va bien, que c’est une mauvaise passe. 

Maman elle, a remarqué qu’il revenait de la nourriture dans la boîte à lunch alors qu’avant, Coco la retournait vide le soir. Elle lui a demandé ce qu’il souhaitait manger le midi, sa réponse : je ne sais pas. Elle trouve que son fils manque d’énergie, ses jouets ne lui font plus envie. Il semble triste.

Puis, un dimanche soir, le cœur de Coco explose à l’heure du dodo. Après une histoire judicieusement choisie par maman, il se confie enfin. Il y a comme une ombre noire qui le suit partout, qui prend toute la place. Coco sera diagnostiqué avec une dépression la semaine suivante. Oui, les enfants peuvent aussi avoir des troubles de santé mentale.

Une image vaut mille mots

Je pense que l’utilisation des livres est une des meilleures méthodes pour ouvrir la discussion avec les enfants. Ils peuvent s’identifier au personnage. Certains enfants seront bavards et commenteront l’histoire, partageront leur compréhension, poseront des questions, alors que d’autres resteront silencieux, comme Coco l’aurait probablement été en classe. Les enseignants devraient être éveillés à ces signes-là, d’autant plus que les enfants qui souffrent d’un trouble de santé mentale ont souvent déjà un ou des facteurs de risque tels qu’un trouble d’apprentissage et une faible estime de soi, ce qui les rend plus facilement différent aux yeux des autres enfants. Il serait donc plus adéquat de faire un retour individuel auprès de ces enfants.

La communication

Maman prend le temps d’écrire un long courriel à madame Annie ce soir-là. Elle l’invite à lui téléphoner rapidement pour discuter de la situation. Elle se sent intimidée, elle n’a rencontré l’enseignante de son fils qu’une fois, à la rencontre de parents. C’est différent de la garderie, où elle pouvait discuter tous les jours avec l’éducatrice de Coco.

Madame Annie l’a appelée dès le lendemain. Maman était surprise, elle sait à quel point les enseignant.es sont occupé.es et que leur tâche est lourde.

L’échange s’est fait avec ouverture. Elles ont pu établir un « plan de match ensemble » pour aider Coco. Maman allait trouver un professionnel et Madame Annie allait mettre en place des petites choses pour appuyer Coco.

Une fois un canal de communication positif ouvert, c’est définitivement un soulagement pour le parent qui peut parfois avoir des perceptions erronées. La majorité des communications parent-enseignant.e se passent par courriel et cela rend plus difficile de défricher le ressenti de la personne. Je crois que dans certains cas, il est préférable de prendre le temps de téléphoner.

Il y a plusieurs choses que l’on peut mettre en place par la suite pour communiquer avec l’enfant, qui bien souvent, dépendamment de son âge, peut manquer de vocabulaire pour exprimer ce qu’il ressent. Alors j’aime bien utiliser les images et des petits trucs subtils pour que les autres ne comprennent pas nécessairement. Par exemple, installer un carton sur la porte de la chambre ou sur le pupitre. Un côté rouge et un côté vert. Lorsque l’enfant se sent envahi, il positionne le carton sur le côté rouge et l’adulte peut le prendre à part. Ou bien un code de couleur dans l’agenda pour communiquer à l’enseigant.e comment la soirée s’est déroulée.

Lorsque c’est le parent qui souffre d’un problème de santé mentale

Cela m’amène à parler d’un autre aspect qui me paraît incontournable : le parent vivant avec un trouble de santé mentale. Que ce soit une dépression qui sera passagère, ou encore une maladie telle la bipolarité par exemple, où le parent se retrouve confronté à des grands stresseurs par rapport à l’école et ses exigences, tout au long de l’année. 

Je parle ici d’expérience. 

En tant que parent, on a peur d’être jugés, que l’enseignant.e pense qu’on en fait pas assez, qu’on ne prend pas la scolarisation de notre enfant au sérieux. On souhaite que notre enfant performe à l’école. On a peur de communiquer trop, ou pas assez avec l’enseignant.e. Mon petit truc à moi c’est de dire : « Excusez-moi, j’ai oublié de répondre au sondage pour la rencontre de parent. J’en ai beaucoup dans la tête ces temps-ci, c’est un petit bout difficile.». Juste ça, et la pression tombe.

La clé : la communication

Si je fais un résumé, la clé pour établir un climat positif et de faire de l’école un lieu inclusif est la communication. Que ce soit parent-enseignant ou enfant-enseignant, c’est de communiquer. De façon empathique et sans jugement. Avec ouverture. Il faut prendre le temps de le faire, même si on est pressés. Parce que ça peut faire toute la différence dans la vie de tous les petits cocos et leurs familles.

Des livres jeunesse pour aborder le sujet

À propos de l’anxiété :

Simone sous les ronces de Maude Nepveu-Villeneuve et Sandra Dumais, Éditions Fonfon, 2019

À propos de la dépression :

La chose de Delphine Berger-Cornuel - Éditions Dominique et compagnie

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Catherine Cloutier-Charette
Éducatrice spécialisée
Blogueuse et auteure

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