Le pouvoir caché des livres
Par Pascale Reed Lang
J’ai toujours eu l’impression de passer pour une extra-terrestre quand j’offrais des livres lors des fêtes d’enfants auxquelles fiston était convié. À défaut d’apporter un autre joujou superflu ou un gugusse qui finira dans le fond du coffre à jouet, je persiste et signe dans le sens du cadeau parfait qu’est le livre. Sceptique? Laissez-moi vous parler du pouvoir caché des livres.
Nous pouvons sans contredit attribué aux livres le bienfait de développer les habiletés de pré-lecture et de pré-écriture chez le jeune enfant. En effet, l’éveil à la lecture se fait aisément en manipulant le livre. Lettres de l’alphabet, premiers sons, premiers mots, premières phrases, le livre donne accès aux connaissances par l’entremise de la lecture. Mais bien avant de savoir lire, l’enfant qui est exposé aux livres développera bien plus que cette habileté.
Le développement de l’enfant est un processus complexe qui comprend plusieurs dimensions. On compte parmi celles-ci le développement physique/moteur, le développement cognitif, le développement langagier et le développement socio-affectif. On octroie le qualificatif de développement global au fait qu’il est difficile d’accorder plus d’importance à l’une des dimensions plus qu’à une autre et de concevoir celles-ci de façon isolée. Stimuler le développement d’une des cinq dimensions ne se fait donc pas sans en stimuler une autre. De là le pouvoir caché…
Prenez par exemple un enfant avec qui nous regardons un livre. Le fait que l’adulte soit installé à proximité avec lui et fait de ce moment un temps privilégié accroît leur relation et renforce leur lien (développement socio-affectif). La manipulation du livre, quant à elle, soutiendra le développement moteur et le développement cognitif. Comment? Apprendre à tourner les pages une par une, comprendre qu’il y a un sens au livre (le tenir à l’endroit), qu’il y a des caractères à lire en lien avec les images (mots) et que pour les décoder nous procédons de gauche à droite n’en sont que quelques exemples. L’imaginaire est d’autant plus sollicité puisqu’avec l’âge, viendra la complexité des récits et ses incursions dans des mondes irréels et inventés. Les diverses émotions vécues par leurs héros et les comportements qu’ils adoptent face à une situation donnée aident à la reconnaissance de ses propres sentiments ((développement socio-affectif). Enfin, les mots lus font en sorte que nous exposons l’enfant à du nouveau vocabulaire ce qui contribue au développement langagier… Les petits apprendront également rapidement qu’un récit lu ne fait pas appel au même niveau de langage que celui que nous utilisons quotidiennement. Ce langage littéraire, propre aux histoires, devient donc une richesse dans l’acquisition des compétences langagières. Tout cela dans le plaisir!
FACTEURS INFLUENÇANTS L’ÉVEIL À LA LECTURE
Sachant que le livre renferme tous ces trésors, comment faire en sorte que nos enfants profitent au maximum de ses avantages? Plusieurs facteurs peuvent avoir une influence sur l’éveil à la lecture et nos enfants. Certes, l’enfant lui-même par sa personnalité et son tempérament peuvent déterminer l’intérêt qu’il portera aux livres et aux écrits. Par contre, le milieu familial et l’entourage sont des acteurs majeurs dans cette influence.
Qu’en est-il des habiletés de lecture des parents? Est-ce que la famille elle-même a un intérêt pour les livres? Y at-il présence ou non de livres dans le foyer? Ceux-ci sont-ils accessibles ou rangés dans des boîtes? Vois-je mes parents lire divers ouvrages tels que des circulaires publicitaires, des magazines, des journaux, des romans, etc.? Le coût élevé des albums jeunesse ne devrait pas nuire à leur accessibilité. Les visites à la bibliothèque sont une bonne occasion de faire une sortie familiale et éducative. Encore mieux, La ville d’Ottawa par exemple, propose même d’apporter les livres jusqu’aux familles par le biais de ses Bibliobus qui ratissent divers quartiers de la ville (https://biblioottawalibrary.ca/fr/library/bookmobile).
Enfin, considérons l’entourage des petits comme son milieu de garde et ses amis. La connaissance de la littérature pour enfants et de ses enjeux, ainsi que la capacité de son éducateur(trice) à les mettre en application de façon ludique, vont sans contredit déteindre sur le développement de l’intérêt pour la lecture et l’écriture. Les pairs peuvent également jouer un rôle en ce sens.
UN ÉLÉMENT DU QUOTIDIEN
Vous aurez compris que l’éveil au monde de la lecture et de l’écriture est facilité par l’accès aux livres, mais sera d’autant plus favorisé si l’enfant vit dans un milieu qui offre une abondance de matériel imprimé vers lequel on attire son attention. Photos, panneaux routiers, logos, calendriers, recettes, feuillets publicitaires, menus, affiches, courrier, cartes d’anniversaire, calepins, papier, crayons, etc. ne sont que quelques exemples d’éléments dont nous pouvons montrer la fonction aux enfants. Reconnaître leur utilité dans notre fonctionnement quotidien augmentera la motivation et l’intérêt pour le décodage des signaux visuels qui mènera éventuellement aux décodage des lettres de l’alphabet et de la lecture.
SI VOUS N’AVIEZ QU’UNE CHOSE À RETENIR…
Le livre étant un trésor en soi, tous n’auront pas le même engouement pour sa magie. Enfant comme adulte, une bonne façon de s’initier est d’identifier un intérêt par lequel nous briserons la barrière qui se pose entre nous et le bouquin. Votre enfant n’en a que pour les voitures? Choisissez-lui des livres sur le sujet. Votre fille n’a d’yeux que pour les licornes? Faites-en sa porte d’entrée vers la littératie. Bref, un choix judicieux d’ouvrages selon l’âge, le besoin et surtout l’intérêt de l’enfant est un pas vers la découverte d’une foule de trésors et le développement d’une multitudes d’habiletés.
Ne sous-estimez jamais le pouvoir des livres… En plus d’être une mine d’or pour tous, ils sont une bonne façon de cultiver l’identité francophone!
Pascale Reed Lang
Professeure au programme Éducation en services à l’enfance
Collège La Cité, Ottawa
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