L’évaluation — À revoir!

Mettre les élèves au cœur de l’éducation

Par Eryka Desrosiers, pour le Réseau EdCan

Publié depuis 1949, le magazine Éducation Canada est considéré comme une des sources les plus fiables de discussions d’apprentissage professionnel fondé sur les données probantes au sujet de certains des enjeux les plus complexes auxquels sont confrontés les éducateurs d’aujourd’hui.

 

 

On dit souvent qu’il faut repenser l’évaluation et l’école. Effectivement, je crois que l’une est conditionnelle à l’autre. Même mes élèves sont d’accord pour dire que les examens ont des limites. La plupart du temps, ils ne permettent pas de voir si l’élève a réellement appris ce qu’il devait apprendre, mais servent plutôt à mesurer sa capacité à mémoriser le contenu pour une durée déterminée. Je crois que la plupart des enseignants s’entendent pour dire qu’on ne peut évaluer aussi formellement toutes les matières ou divers projets de la même façon. Cependant, la plupart s’entendent aussi pour dire qu’il n’est pas si facile de faire autrement. Devons-nous complètement éliminer les examens pour faire place à une évaluation centrée sur l’élève et sur son cheminement individuel? Je propose ici une option que j’applique en ce moment dans mes cours de langue seconde dans le but de mieux préparer mes élèves à faire face au monde du travail.

Westend61 via Getty Images

Depuis l’an dernier, les projets passions, c’est-à-dire des projets créés et élaborés par les élèves à partir de champs d’intérêt dans le but de développer les compétences du 21e siècle et de travailler avec la communauté, font partie de mes cours de langues. D’ailleurs, cette année, ils en sont le point central, s’ils ne composent pas, en fait, la totalité du cours. J’agis en tant que guide; mon rôle est de soutenir et d’accompagner mes élèves du secondaire dans leur quête de sujets à explorer, dans leur progrès langagier et dans le développement de ces compétences dites du 21e siècle. L’apprentissage dépasse largement les murs de l’école et il y a pour les élèves tout autant d’options à explorer que de moyens de démontrer ce qu’ils ont appris. Selon ce modèle d’apprentissage, il m’est impossible d’évaluer tous les élèves de la même façon et également impossible d’être une experte dans ne serait-ce que la moitié des projets qu’ils ont initiés. Si l’on considère que certains élaborent un journal étudiant portant sur toutes les fêtes et occasions spéciales à notre école alors que d’autres créent des sites Web et des jeux vidéos, il est évident que mes stratégies d’évaluation doivent refléter individuellement ce que les élèves ont projeté dans chacun de leur projet. Mon rôle comme enseignante est avant tout d’aider les élèves à s’améliorer en langue anglaise en leur offrant un bain culturel et langagier. Ils doivent aussi avoir l’occasion d’explorer les sujets qui les passionnent et de développer des habiletés indispensables, peu importe le métier qu’ils choisiront.

Mais comment évaluer équitablement mes élèves et suivre chacun d’eux dans leurs progrès individuels alors qu’ils travaillent sur des projets différents? C’est en vérité bien difficile et certains jours, cela me semble impossible. Tout enseignant doit avoir un excellent sens de l’organisation afin de jongler avec les dates de remises, l’assurance de la remise des travaux de chacun des élèves, une certaine assiduité dans le retour des travaux corrigés, en plus de s’adapter à corriger toutes sortes de travaux différents. Je ne planifie pas réellement les évaluations. Les élèves choisissent ce qu’ils vont présenter et la manière dont ils vont le faire. Je dois suivre ce qu’ils font (ce qui est déjà un très grand défi!) ainsi que m’assurer qu’ils se fixent des objectifs et qu’ils utilisent des outils efficaces pour continuer de s’améliorer en faisant bon usage de la langue.

Il est important de considérer qu’on traite ici seulement de l’évaluation des apprentissages. Travailler ainsi requiert tout un processus de désapprentissage et de mise en pratique avant que la classe soit fonctionnelle et encore, elle ne ressemble en rien à un cours traditionnel. La très grande majorité des élèves ont l’habitude d’entendre leurs enseignants leur imposer quoi faire et comment le faire. Afin de leur apprendre à penser indépendamment et de les inviter à exploiter leur créativité, et non pas seulement produire machinalement des travaux dont la seule motivation est qu’ils doivent être remis à l’enseignant, il est nécessaire de prendre tout le temps qu’il faut pour s’entretenir avec chacun des élèves afin de les aider à préciser quel est leur principal objectif. Une fois que nous avons ensemble clairement établi cet objectif, les compétences et habiletés à développer, la planification du projet ainsi que sa présentation finale deviennent plus évidentes pour l’élève et son enseignante. Et tout au long de l’année scolaire, ce processus doit se répéter pour chaque nouvel apprentissage en s’assurant que de nouvelles approches seront explorées par les élèves afin qu’ils puissent appliquer de la créativité dans leur résolution de problème.

Bien qu’il soit important pour les enseignants d’accorder tout le temps nécessaire avec leurs élèves pour la planification de leurs divers projets d’apprentissage et pour établir clairement tous les critères requis pour la réussite de chaque élève, il me semble évident qu’une approche individualisée, quoiqu’exigeant parfois des efforts herculéens, est le seul moyen de vraiment appuyer nos élèves dans le développement des compétences requises afin qu’ils puissent bien s’adapter aux réalités changeantes du marché du travail qui les attend. À long terme, leur meilleure connaissance de soi, leur capacité à penser indépendamment, le développement de leur esprit critique et de bonnes capacités de résolution de problèmes, leur apprentissage par l’erreur, leur persévérance et leurs habilités communicatives s’amplifieront afin de permettre à ces futurs citoyens d’accomplir efficacement et en collaboration des projets d’envergure.

À ceux et celles qui souhaiteraient adopter cette approche dans leur cours, il faut comprendre que cela requière de la patience, l’engagement nécessaire afin d’être prêt à offrir autant d’efforts que vos élèves, et des révisions quotidiennes afin de mieux aider vos élèves à bien s’adapter à une telle approche pédagogique. Il faut se rappeler que la seule façon pour que cela échoue réellement est d’arrêter d’essayer. Soyez honnête avec les élèves ; dites-leur que vous aussi, vous êtes également en apprentissage. Affirmez-leur que c’est pour eux que vous adoptez cette nouvelle approche parce que le statuquo pédagogique ne leur permettra plus de vraiment être bien prêts à faire face aux exigences d’un monde changeant et d’un avenir incertain.

 

Eryka Desrosiers | Enseignante, Collège Champagneur

Enseignante au primaire et au secondaire depuis 5 ans, Eryka Desrosiers est passionnée par l’éducation. Elle donne des conférences pour partager ce qu’elle applique en classe et elle adore collaborer avec des gens qui partagent sa vision pour réaliser des projets innovants. Elle travaille actuellement sur un podcast bilingue intitulé Souliers de prof/A Teacher’s Shoes pour partager les idées, les prouesses et la sagesse de ses invités, incluant des enseignants, des élèves, des entrepreneurs et des leaders. Enfin, dans le but de soutenir les nouveaux enseignants dans leur insertion professionnelle, elle a créé un groupe Facebook, Trucs et conseils pour commencer à enseigner, dans lequel elle fait des capsules avec un collègue pour partager son expérience et répondre aux questions de ses auditeurs.

AUTRES Articles DE LA THÉMATIQUE

Nouveautés sur IDÉLLO – novembre 2021

L’inukshuk : pour mettre l’élève au centre de son apprentissage!

On n’enseigne pas pour faire des bulletins

Évaluer autrement par la triangulation

Réussite scolaire et réussite éducative

Une panoplie d’ateliers et de ressources offertes par Science Nord pour les enseignants

Boukili : une application de lecture gratuite et ludique qui donne le goût de la lecture aux enfants et aux élèves

L’évaluation des apprentissages informels en contexte muséal

L’évaluation… pas du tout comme avant!

Les webinaires IDÉLLO – novembre 2021