Mauvais traitements d’ordre sexuel : Quels outils pour offrir soutien et prévention aux élèves?
Par Béatrice de Montigny

Depuis le 3 janvier 2022, un programme de prévention des mauvais traitements d’ordre sexuel est obligatoire pour les enseignantes et les enseignants de l’Ontario. Ces derniers jouent un rôle clé dans la prévention et la dénonciation de soupçons de par leur proximité avec les élèves (il en va d’ailleurs de même pour les mauvais traitements physiques et psychologiques). Ceci étant dit, il n’est pas toujours facile de savoir à quels signes porter attention, ou encore comment réagir si nous avons des soupçons. Le présent article vise à donner des outils pratiques au personnel enseignant afin de les sensibiliser et de les aider avec cette tâche.

SDI Productions / E+ via Getty Images

Quels sont les mauvais traitements d’ordre sexuels?

Il s’agit de toute action qui sort des balises raisonnables qu’une intervenante ou un intervenant peut avoir avec des enfants. Ainsi, on parle autant d’attouchements sexuels que de pornographie juvénile, de partage de photos explicites avec des enfants, de conversations à connotation sexuelle, etc. La plupart des crimes pédosexuels sont commis par des gens proches des victimes (un membre de la famille, un membre du personnel scolaire, un entraîneur ou une entraîneuse, etc.), et non pas par des inconnus. Ainsi, si un collègue adopte un comportement qui nous semble trop familier ou anormal avec des élèves, mieux vaut avertir la direction. Un rappel des limites professionnelles à respecter est parfois nécessaire.

Quels sont les signes d'abus d'ordre sexuels chez l'enfant?

Selon les études faites à ce sujet, la plupart des crimes pédosexuels ne seront pas dévoilés alors qu’ils se produisent. Il faut donc être à l'affût des signes qui pourraient nous mettre la puce à l’oreille, par exemple :

  • Changement de comportement (un enfant réservé devient agité ou violent, un enfant social et joyeux perd ses amies ou amis et devient triste);
  • Comportement sexuel qui dépasse le stade de développement de l’enfant;
  • Refus ou peur d’aller à la maison/à la pratique d’un sport/dans le cours d’un enseignant ou d’une enseignante en particulier.

Que faire si on observe ces comportements?

En cas de soupçon, nous devrions :

  • Demander à l’enfant si tout va bien;
  • Lui laisser savoir que nous sommes toujours disponibles pour lui s’il a besoin de parler. Il sera en effet plus susceptible de s’ouvrir à nous s’il sent qu’il peut nous faire confiance.

Il est également primordial de parler de vos soupçons concernant une ou un collègue à votre superviseure ou superviseur et de faire un signalement à la protection de l’enfance (et à la police si vous pensez qu’un enfant a besoin de protection immédiate).

Comment faire pour aborder le consentement en classe?

Comme mentionné précédemment, les victimes d’abus ou de mauvais traitements d’ordre sexuels ne les dévoilent pas toujours, et n’ont pas tous des signes observables nous permettant d’agir. Ceci dit, s’ils sentent qu’ils peuvent nous faire confiance et se confier à nous, ils ont plus tendance à dévoiler ces crimes nous permettant alors de faire les suivis appropriés. Mais alors, comment faire?

  • Avoir des conversations sur les relations saines (amicales et amoureuses). En effet, les victimes ne comprennent pas toujours ce qui leur arrive; c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles les abuseurs font du conditionnement : ils gagnent la confiance de l’enfant et de ses proches, progressent lentement et parviennent à leur faire croire que c’est normal.
  • Parler entre autres des gestes et des comportements appropriés en amitié ou en relation amoureuse afin de les amener à réaliser ce qui se passe;
  • Avoir des discussions sur le consentement, autant avec les élèves du primaire que du secondaire (adaptées selon leur âge). Cela permettrait aux élèves d'acquérir les outils nécessaires pour reconnaître des relations saines et établir leurs limites, ce qui leur permettrait de réaliser ce qu’est un abus (sexuel, physique et psychologique) et même de se sentir assez confortable pour faire un dévoilement.

Que faire si un élève fait un dévoilement?

Tout d’abord, demander à l’élève d’avoir cette conversation à l'abri des autres élèves et adultes, dans le corridor par exemple. On doit prendre en note ce qu’il nous dit textuellement, c’est-à-dire avec les mots exacts qu’il utilise. Il faut être à l’écoute et rester calme. Il est important de dire à l’enfant qu’on le croit et qu’on le remercie de sa confiance, même s’il parle d’une enseignante ou d'un enseignant qu’on connaît bien. Si l’enfant nous demande de ne pas le dire, il faut être honnête avec lui et lui expliquer que nous sommes obligés de faire des suivis; on peut le rassurer en lui expliquant ce qui va se passer ensuite (en adaptant nos explications selon son âge) et en lui rappelant que nous serons là pour lui. On peut aussi lui donner le choix de faire le signalement sans lui, ou en sa présence. Ensuite, il faut aviser notre superviseure ou superviseur ainsi que faire le signalement à l’aide à l’enfance (et à la police si le danger est immédiat). On peut dire à l’enfant que nous sommes désolés qu’il ait dû subir cela, sans toutefois s’emporter. Recevoir de telles informations peut être très difficile et il est possible qu’on ressente nous-mêmes une certaine détresse; il faut camoufler cette dernière pendant qu’on parle à l’enfant afin qu’il évite de se sentir mal ou responsable de notre malaise. Ceci dit, il est important pour nous aussi d’en parler, par exemple avec notre superviseure ou superviseur, et de prendre un moment pour digérer la nouvelle. Il faut cependant éviter d’en parler avec nos collègues afin de respecter la vie privée et la confidentialité de l’élève. 

En conclusion

En bref, les mauvais traitements d’ordre sexuel sont plus communs qu’on ne le croit, et en tant que personnel enseignant, nous avons l’occasion d’aider à les prévenir en portant une attention particulière aux comportements des enfants. Faisons en sorte que notre climat de classe soit accueillant et bienveillant afin que les élèves se sentent à l’aise de se confier; ayons des conversations sur les relations saines et le consentement; et surtout, gardons en tête notre devoir de signalement, et ce dès que nous avons le moindre doute. Non seulement il s’agit d’un devoir professionnel, mais il s’agit également de la vie d’un enfant.

Béatrice de Montigny
Enseignante au CEPEO, étudiante au doctorat en éducation

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