Pourquoi et comment parler d’équité et de justice sociale avec nos élèves?
Par Julie Meloche

 

L’équité et la justice sociale prennent de plus en plus de place dans nos sociétés et nos élèves sont souvent passionné.e.s par ces sujets. Je crois fondamentalement que si nous ne leur permettons pas de développer leur pensée critique et leur engagement social, nous passons à côté de quelque chose d’important. 

C’est pour cela que j’ai créé le programme FOCUS Action sociale.

Je vous emmène avec moi dans cette réflexion sur l’intégration des questions d’équité et de justice sociale en classe.

Qu’est-ce que le FOCUS Action sociale?

Klaus Vedfelt / DigitalVision via Getty Images

Depuis les cinq dernières années, j’offre le programme FOCUS Action sociale aux élèves du Conseil des écoles catholiques du Centre-Est.

J’invite 18 jeunes des 11e et 12e années à venir réfléchir sur l’équité et la justice sociale ensemble. Ce sont les élèves qui choisissent ce programme. Tous les jours pendant un semestre, on se réunit dans l’enceinte de l’Université Saint-Paul, notre partenaire.

Pour l’organisation, les crédits obtenus sont pour les cours « Équité et justice sociale » et « Leadership et communautés saines ». Les élèves suivent aussi un cours en ligne au choix et participent à un stage coop.

Qui sont les jeunes qui s’inscrivent à ce programme?

Ce sont des jeunes passionnés, curieux, engagés, qui ont à cœur le bien commun et qui souhaitent comprendre les grands enjeux contemporains en lien avec la diversité et l’inclusion qui s'inscrivent. D’ailleurs, la plupart des élèves, lorsqu’ils terminent le programme FOCUS, s’engagent dans des professions comme le travail social, le droit, le développement international ou la politique.

Pour en savoir plus, consultez l'article Des adolescents s'expriment sur l'équité et la justice sociale.

Comment fonctionnent les cours?

Enseigner l’équité et la justice sociale, c’est accepter d’avoir des conversations courageuses. C’est de proposer une pédagogie réflexive qui place l’apprenante ou l'apprenant à comprendre qui elle ou il est, sa place dans la communauté et son rôle dans celle-ci.  C’est de proposer une pédagogie réflexive qui invite l'élève à trouver son rôle dans la communauté. L'objectif est de l'inspirer à passer à l'action de manière concrète.

Aborder ces thématiques en classe, c’est un travail complexe. Il est probable que, face aux questions soulevées, une ou un jeune puisse vivre des émotions fortes.  Les enseignantes et les enseignants ont donc la responsabilité de créer un espace sécuritaire, un climat de confiance et d’ouverture dans lequel toutes et tous pourront évoluer, s’exprimer et s’épanouir.  

Pour y arriver, la disposition en cercle est l’idéal pour les échanges. Cette approche permet d’échanger sur ses perspectives, de comprendre sa vision du monde et d’explorer différentes thématiques touchant la  justice sociale : 

  • le féminisme; 
  • l’antiracisme; 
  • la promotion droits LGBTQIA2+;
  • la justice environnementale;
  • l’égalité socio-économique;
  • l’éducation relatant aux réalités des PNMI;
  • etc.

Enfin, les élèves mettent leurs apprentissages en action en vivant une expérience de stage d’éducation coopérative. Selon leurs intérêts, celles-ci ou ceux-ci choisissent un lieu de travail, par exemple, dans une banque alimentaire, un centre de ressources communautaires, un centre d’amitié autochtone, un milieu scolaire, un organisme à but non lucratif, un bureau de politique ou même un cabinet d’avocats. 

Quelles stratégies à favoriser?

1. Créer un climat de confiance

  • Entrer en relation avec les élèves, s’intéresser à leur vécu et se montrer vulnérable;
  • faire place aux erreurs;
  • miser sur les émotions et les expériences dans le groupe;
  • faire confiance au groupe;
  • reconnaître l’importance et l’apport des expériences.

2. S’éduquer en la matière

  • Faire le bilan sur ses propres privilèges et comprendre les avantages que ceux-ci apportent en société;
  • reconnaître et réduire les micro-agressions;
  • comprendre que sa vision du monde est le fruit de ses propres expériences et qu’elle influence alors les actions envers autrui;
  • identifier ses biais cognitifs, qui ont un impact sur ses pensées, ses croyances, ses attitudes et par conséquent, ses actions;
  • modéliser la compassion et la bienveillance puisque ce sont les piliers qui permettent de réparer les injustices.

3. Développer la communication à deux sens

  • Faire place aux points de vue divergents;
  • transformer son jugement en curiosité;
  • trouver des solutions par la parole, l’écoute et le partage;
  • développer son empathie;
  • varier les situations d’échanges permettant différents types de prise de parole (ex. en groupe classe, en dyade, à l’écrit, etc.);
  • pratiquer l’écoute active.

4. Nommer les injustices et les impacts émotionnels

  • Créer un milieu dans lequel on peut nommer un comportement discriminatoire ou blessant; 
  • comprendre qu’un geste ou une parole peut avoir un impact négatif sur un individu en dépit d’une bonne intention;
  • reconnaître que l’intention derrière un geste ou une parole peut être pédagogique ou constructive, tout en sachant que l’impact de ceux-ci pourrait amener à changer ce qu’on dit ou on fait dans le futur;
  • valider les émotions et les expériences vécues par les individus issus d’un groupe opprimé;
  • reconnaître et apprendre de ses erreurs, s’excuser auprès de personnes qu’on a blessé et laisser place aux prochaines étapes.

5. Enseigner aux élèves de passer à l’action 

  • Accueillir des gens de la communauté pour parler de leurs expériences; 
  • visiter plusieurs milieux communautaires pour rencontrer des intervenantes et des intervenants sociaux;
  • faire du bénévolat;
  • organiser une collecte de fonds;
  • écrire des messages d’espoir, dessiner pour les personnes les plus démunies.

6. Autres stratégies :

  • Commencer à petites doses;
  • choisir un sujet d’actualité comme point de départ d’une conversation;
  • faire des liens personnels;
  • commencer par la question : Qu’est-ce que vous connaissez sur ce sujet?
  • valoriser les émotions autant que le raisonnement logique;
  • demander aux élèves de réfléchir individuellement par l’entremise d’un blogue ou d’un journal personnel.

Quelles sont les répercussions sur les élèves?

La résilience. Les élèves se rejoignent, se retrouvent,  s’ouvrent sur des sujets qui les touchent profondément. Il se passe quelque chose à l’intérieur de chacun et on en discute. Nous bâtissons notre résilience individuelle et collective.  Si on écoute nos élèves, on réalise qu’ils comprennent déjà beaucoup de choses.  Ils ont des intuitions, ils ont leur instinct. On peut les aider à mousser cette confiance qu’ils cherchent à développer. Il faut savoir écouter et valoriser cette petite voix intérieure. 

Par exemple, si un élève dit : « Madame, je ne sais pas quoi faire. Je vais lui répondre, tu as la réponse. Elle est en toi. Cherche-là. Peut-être que ce n’est pas évident. Peut-être qu’on peut en discuter tous les deux, mais tu as déjà tous les indices en toi pour prendre ta décision. » 

Or, afin de leur faire connaître des expériences authentiques, les élèves du Focus rencontrent des anciennes et anciens du programme qui sont des exemples de réussite. Lorsqu’on les accueille, c’est toujours magique à cause de leur engagement dans leur communauté. Par exemple, un élève qui s’en va en enseignement, une autre qui travaille pour l’Organisation des Nations Unies, une qui travaille pour les initiatives contrant le sexisme en Amérique latine, une élève est maintenant intervenante sociale auprès des Autochtones en milieu urbain, un dernier avec un projet de restaurant local et écologique.

Conclusion

Mon plus grand rêve serait qu’il y ait des programmes d’action sociale à travers le Canada. 

Ce type de cours devrait être obligatoire pour les élèves du secondaire. Du moins, pourrait-on envisager inclure une dimension d’équité et de justice sociale dans les cours de citoyenneté et choix de carrière? Permettre aux élèves de ne pas être seulement des spectateurs du monde, mais de devenir des agentes et agents de changement, c’est ce que le FOCUS action sociale propose. 

C’est la raison pour laquelle le personnel enseignant doit s’enraciner dans une volonté de changement. Ceci veut dire faire place au malaise, au questionnement, faire confiance à l’intelligence du groupe, tolérer de ne pas tout savoir et de ne pas s’enorgueillir de pouvoir régler les problèmes des autres. L’important, c’est d’accepter la critique et de s’en servir pour avancer. On ne peut que faire de son mieux. 

Julie Meloche | melocju@ecolecatholique.ca

Julie est enseignante au secondaire au sein du Conseil des écoles catholiques du Centre-Est à Ottawa depuis 2009. Avant d’accepter la vocation d’enseignante, elle a étudié en sciences de la santé. Elle fait présentement sa maîtrise à l’Université Saint-Paul en Leadership transformatif et spiritualité.

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