Petits pieds sur Terre
Par Chantal Eversfield
NOTE : Cet article a été rédigé quelques jours avant les mesures de confinement dans le cadre d'une pratique scolaire. Toutefois, les stratégies décrites ici peuvent tout à fait s'adapter dans le cadre d'un apprentissage en famille.
Nous voici, en cette journée pluvieuse, quelques jours avant la semaine de relâche. Patiemment, les enfants regardent par la fenêtre, déçus de voir les gouttes tomber dans les flaques d’eau. “Madame, même s’il pleut, nous allons dehors lors de l’apprentissage en nature, hein?!” Sans hésitation, ma collègue de classe leur répond : “Absolument! Et encore mieux si tu as tes bottes et ton pantalon de pluie!” Afin de pouvoir prendre un premier pas vers l’apprentissage à l’extérieur, voilà une des clés du succès : s’habiller selon la météo.
Que faire lorsqu’il pleut?
Dès notre arrivée dans la cour, les enfants se placent dans un rang selon leur habillement; c’est le moment idéal pour faire un diagramme à bandes avec leur corps, de la résolution de problèmes, questionner et discuter. Alors que certains explorent l’eau par éclaboussement, un groupe marche dans les petites flaques, tandis que je m’aventure dans la neige avec un troisième groupe. Et oui, cette fois-ci, je n’étais pas bien habillée pour nos aventures! En informant les parents dès le début de l’année scolaire, c’est un pas vers la bonne direction; une autre des clés à la réussite d’apprendre en nature. Dans le fond, il faut saisir les opportunités offertes par la météo, car c’est lors du mauvais temps qu’on persiste et qu’on voit que la réussite existe. Cette expérience sous le ciel pluvieux est un exemple si simple et si authentique de l’apprentissage à l’extérieur : utiliser la météo et son environnement de façon propice à l’apprentissage. En tissant des liens avec le programme de maternelle et jardin d’enfants (et tout autre curriculum de l’élémentaire), nous parvenons à documenter, même pendant les aventures dans les flaques d’eau! Pour faire le pas d’avant, avoir une tablette pour documenter est la troisième clé du succès. Il faut saisir les moments pour y retourner et réfléchir.
Laisser aller et écouter!
Une clé, plutôt difficile à maîtriser pour les pédagogues, est de suivre le pas, le rythme des enfants; de faire confiance dans le désir inné de l’enfant de découvrir et d’apprendre en dehors des quatre murs. En explorant leur environnement et la nature autour d’eux, les enfants ont le matériel nécessaire pour apprendre. Les enfants de notre classe mesurent l’importance de respecter la nature et la création des autres. Avant d’entrer dans le premier fort présent dans la forêt enneigée, l’adulte les questionne : “Combien d’enfants pourront entrer dans le fort?” Suite à quelques estimations, nous tentons notre chance. Un à un, les enfants entrent, mais l’espace est limité. C’est là qu’ils commencent à trouver des solutions : “Tasse-toi Léo et il y aura plus de place! Si on recule tous une fois, Sophia pourra entrer aussi!” Ensuite, les enfants voient un deuxième fort. Jamais en maternelle/jardin nous aurions pensé utiliser les mots périmètre et aire! Effectivement, les enfants concluent que l’aire du deuxième fort est plus grande que le premier car “les madames peuvent aussi entrer!”.
Établir des limites
Comme en salle de classe, il est essentiel d’avoir des règlements lors de l’apprentissage à l’extérieur. Lorsque nous allons dans notre forêt, les enfants entrent silencieusement. C’est un temps de prière, d’appréciation, d’écoute. Peu importe l’endroit, en tout temps, les enfants ont un adulte dans leur champ de vision, et vice versa. Le sentiment de sécurité leur permet de savoir qu’ils sont entre de bonnes mains lors de leurs aventures. De plus, nous avons un cri de rassemblement qui indique de suivre l’adulte; celui-ci peut être utilisé en cas d’urgence, pour faire le compte ou pour indiquer le retour en classe. Peu importe l’intention, le cri se fait en choeur avec les enfants, qui comprennent que l’adulte nécessite leur attention rapidement. Sachant que certains enfants tentent leur chance ou se retrouvent complètement absorbés dans leur moment, le deuxième adulte reste sur les lieux pour s’assurer que tous les enfants sont rassemblés vers le premier adulte. Étant donné qu’il n’est pas toujours possible d’être deux adultes (parfois nous choisissons de séparer notre groupe), un moyen de communication avec le secrétariat est essentiel, même obligatoire à nos yeux. Que ce soit un téléphone cellulaire ou une radio, il faut être prêt pour des imprévus (un rendez-vous pour un enfant, un appel d’urgence ou autre). Les adultes ont autant besoin de ce sentiment de sécurité que les enfants!
Le silence!
Le plus gros coup de coeur que nous avons lors de nos apprentissages en nature est notre temps de méditation. Avec le brouhaha d’une journée à la petite enfance (même aux niveaux plus élevés!), le bruit devient intense pour certains enfants, et parfois même pour les adultes! Toutefois, avec ce temps assis seul au pied d’un arbre, l’enfant retrouve le silence, découvre ce qui l’entoure, entend des sons magiques, touche les sillons de l’écorce, ferme les yeux, écoute le battement de son coeur. Une minute de plus à chaque temps de méditation, l’enfant développe une résistance, une fierté et le bien-être : ça fait du bien de s’arrêter. Et savez-vous quoi? Les parents en sont bouche bée : “Impossible que mon fils puisse faire ça pendant 8 minutes! Il n’arrive pas à s’asseoir 2 minutes à la maison!” ou “Ma fille est assise au pied de l’arbre devant la maison. Elle veut méditer pendant qu’elle attend l’arrivée de papa.” Nous sommes rendus à 20 minutes de méditation en forêt, avec 28 enfants de 4 et 5 ans, certains ayant des difficultés d’apprentissage, c’est incroyable! La nature nous fait du bien, et quand je dis “nous”, je réfère aussi au bien-être de mon équipe pédagogique.
Une génération consciente de son environnement
Avec la nature, les enfants deviennent davantage conscients des changements minutieux. Parfois, c’est le chant d’un nouvel oiseau, le dommage suite à une tempête ou l’observation de l’évolution de l’éclosion du bourgeon. Les enfants de notre classe touchent, traversent et tentent de nouvelles aventures selon leur niveau de confiance, sans toutefois dépasser le périmètre préétabli et se subsituter à la vigilence d’un adulte. En suivant le rythme de l’enfant, nous pouvons l’encourager, le guider, le rassurer et le questionner. De plus, c’est l’endroit idéal pour apprendre par enquête. Dans les dernières années, nous avons entamé les discussions et les découvertes au sujet des nids et leurs êtres vivants, le concept de flotte ou coule et glisse ou roule, le cycle des plantes, la météorologie, les insectes ainsi que les champignons. Nous avons aussi découvert à l’extérieur les enquêtes amorcées en classe, telles que recréer le monde des dinosaures, découvrir les structures autour de nous, etc. Il faut saisir chaque opportunité car qui sait où cela mènera! Contrairement à ce que plusieurs s’inquiètent, c’est ici qu’on peut apprendre de façon authentique, peu importe le niveau scolaire : imaginer, écrire un poème sous le ciel, observer l’angle des arbres ou des structures, utiliser le matériel à l’extérieur pour créer des suites, mesurer un espace ou même une flaque! L’apprentissage à l’extérieur permet de tisser des liens inoubliables!
Un pas à la fois
Plusieurs s’intéressent à l’apprentissage à l’extérieur, mais hésitent à faire le premier pas. Voici quelques suggestions :
Par où débuter?
- Demandez à accompagner un.e collègue qui le fait déjà (à votre école ou ailleurs)
- Visitez les environs de l’école avec des yeux de pédagogue
- Planifiez une activité par saison ou par mois/semaine
- Préparez les parents à cet apprentissage pour que les enfants soient habillés convenablement
- Établissez un code de vie, des règles de sécurité
- Participez à la planification des journées “Tout l’monde dehors”
Plus vous en faites, plus vous aurez le goût de saisir votre chance sur des moments d’apprentissages pour une prochaine aventure! Prêt.e pour un pas plus loin?
Comment aller plus loin?
- Ajoutez un temps à l’extérieur d’au moins 45 minutes à votre horaire hebdomadaire
- Sortez plus longtemps, plus souvent
- Écoutez leurs échanges pour faire des apprentissages par enquête (avoir un mur de documentation en classe pour poursuivre les discussions)
Il y a de l’inspiration partout autour de vous! Que ce soit par les réseaux sociaux, les livres, votre enfance ou la nature qui vous entoure, laissez-vous inspirer!
Chantal Eversfield
EAO
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