Agir ensemble contre l’intimidation
Par Annie Bourdeau
Tout enfant ou jeune devrait pouvoir se sentir respecté et en sécurité dans ses relations sociales. Malheureusement, l’intimidation est un phénomène encore trop commun qui suscite un sentiment de détresse important chez les personnes qui la subissent. À long terme, l'intimidation peut mener à de l'anxiété, à des troubles de la mémoire, à de l'absentéisme à l'école, à la dépression, etc. Ses effets peuvent même se perpétuer bien au-delà de l’enfance.
Comment reconnaître l’intimidation?
On peut parfois confondre conflits et intimidation, mais ce sont deux comportements différents. Contrairement aux conflits, l’intimidation ne devrait jamais être considérée comme faisant naturellement partie de la vie. On parle d’intimidation lorsque les 3 critères suivants sont réunis :
- l’intention : il s’agit d’intimidation lorsque la personne qui intimide veut blesser ou nuire volontairement à l’autre, que ce soit de manière directe ou indirecte.
- la répétition (du comportement ou des paroles) : l’intimidation est un comportement qui est généralement répétitif. Toutefois, certains gestes graves peuvent être commis une seule fois mais être considérés comme de l’intimidation (par exemple, une menace de mort).
- le rapport de force : on parle d’intimidation quand il y a un rapport de force inégal entre les deux parties (par exemple, un groupe qui s’en prend à une seule personne, un(e) jeune populaire qui exclut ou se moque d’un(e) jeune plutôt isolé(e) ou ayant moins d’ami(e)s, un enfant plus âgé que l’autre, etc.).
(Source : Tel-Jeunes. L’intimidation, c’est quoi? Consulté en janvier 2023.)
L'intimidation peut revêtir plusieurs formes, y compris :
- l’intimidation physique : frapper, pousser, faire tomber une personne ou se servir autrement de sa force physique pour la harceler.
- l’intimidation verbale : agresser verbalement, faire des remarques blessantes, insulter ou taquiner une personne pour la harceler.
- l’intimidation sociale : exclure ou aliéner une personne d’un groupe, répandre des rumeurs à son sujet ou l’ignorer.
- l’intimidation discriminatoire : harceler une personne à cause de son orientation sexuelle, de son origine ethnique, de son identité de genre, de son appartenance religieuse ou de n’importe quelle autre caractéristique la rendant « différente ».
- la cyberintimidation : harceler une personne par le biais des médias sociaux, des textos, des jeux vidéos en ligne, des sites Web et d’autres outils numériques.
Quelques données sur l’intimidation et les jeunes
Selon un rapport1 de 2021 réalisé pour le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), environ 21 % des élèves ontariens de la 7e à la 12e année ont déclaré avoir été victimes d’intimidation à l’école depuis le début de l’année scolaire. Selon le même rapport, près du tiers (30 %) ont affirmé avoir été victimes de cyberintimidation au moins une fois au cours de l’année écoulée, une hausse de 8 % depuis le rapport précédent de 2019.
D’après une étude de Statistiques Canada2 fondée sur les résultats de l’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de 2019, les jeunes de la diversité sexuelle et de genre (de 15 à 17 ans) sont plus à risque de subir de l’intimidation. En effet, cette étude a révélé que 77 % des jeunes interrogés avaient subi un comportement d’intimidation au cours de l’année précédente.
Que faire?
Quotidiennement, le personnel scolaire joue un rôle important dans la prévention et la prise en charge de l’intimidation.
Voici quelques recommandations provenant du COPA3(2012) :
- Aider les élèves à apprendre à s’exprimer : à pouvoir identifier, ressentir et exprimer diverses émotions de manière constructive.
- Écouter très attentivement lorsque les élèves parlent. Prendre leurs expériences et sentiments au sérieux. S’assurer que les élèves savent que nous les écoutons et les entendons.
- Reconnaître que les actes de violence et d’agression existent et qu’ils ne sont pas acceptables.
- Reconnaître et cultiver les talents, les capacités et les compétences des élèves.
- Croire dans le concept du soutien par les pairs et encourager la capacité des élèves de se faire les alliés, au besoin.
- Encourager l’établissement d’un milieu dans l’école et la salle de classe où la gentillesse et l’empathie sont considérées comme étant d’importantes valeurs.
Dans la section suivante, je vous propose un parcours d’apprentissage à partir de ressources IDÉLLO afin d’éveiller chez nos élèves une prise de conscience par rapport à l’intimidation présente dans notre quotidien. Ensemble, nous pouvons unir nos efforts et dire NON à l’intimidation!
Les activités qui suivent conviennent surtout aux élèves de la 3e à la 8e année.
Activité 1 : L’intimidation, parlons-en!
Pour conscientiser les élèves à l’intimidation, une première étape est de définir avec eux de quoi il s’agit exactement. Ainsi, les élèves seront en mesure de reconnaître plus rapidement une situation d’intimidation et passer à l’action.
- Demander aux élèves : « Si je vous dis le mot intimidation, à quoi cela vous fait-il penser? Qu’est-ce que l’intimidation pour vous? »
- Sur une feuille, les élèves créent leur définition personnelle de l’intimidation. Elles et ils peuvent le faire sous forme de mots, de phrases et y ajouter des dessins ou des images.
- Présenter la vidéo On s’expose - Intimidation aux élèves dans laquelle Léo et Emma dressent un portrait de l’intimidation. Inviter les élèves à noter, sur la même feuille, les nouveaux éléments d’information qu’elles et ils entendent.
- Questions de compréhension et de discussion suite au visionnement :
- Pourquoi certaines personnes font-elles de l’intimidation?
- Quelles sont les différentes formes d’intimidation?
- Quel est le meilleur moyen de mettre fin à l’intimidation, à votre avis?
- Pour permettre à tous les élèves de s’exprimer sur le sujet, il est possible de diviser la classe en sous-groupes. Chaque groupe reçoit une question parmi les trois ci-dessus et en discute pendant une durée déterminée. Puis, faire une mise en commun en groupe-classe.
Découvrir également sur IDÉLLO : la capsule Cyberintimidation de la même série!
Je passe à l’action
Héros et héroïnes contre l’intimidation!
- Poser la question aux élèves : « Dans les émissions que tu regardes ou dans les livres/bandes dessinées que tu lis, peux-tu nommer des personnages qui font de l’intimidation et des personnages qui combattent l’intimidation?
- « Comment l’histoire se termine-t-elle habituellement? »
- À la manière de l’héroïne Crème Gentilly qui fait son apparition dans la vidéo, inviter les élèves à créer leur propre héros ou héroïne contre l’intimidation! Elles et ils en dressent un portrait et jouent avec les mots pour lui donner un nom original.
- Ensuite, les élèves élaborent une affiche, un dépliant informatif ou une courte bande dessinée qui a pour but de conscientiser les élèves de l’école à l’intimidation et qui met en vedette leur héros ou héroïne. Elles et ils y incluent :
- un slogan
- des astuces pour venir en aide à une personne qui vit de l’intimidation
- des astuces pour les personnes qui sont témoins d’intimidation
- Mettre les créations des élèves à la vue de tous dans les corridors ou à la bibliothèque de l’école.
Activité 2 : L’empathie, l’affaire de tout le monde
L’analogie est souvent un puissant moyen de provoquer une prise de conscience sur l’impact de ses gestes et paroles.
- Visionner la vidéo Wapikoni - Ka Mitshelitakuess Auass (L'enfant qui plantait des clous).
- À la suite du visionnement, demander aux élèves :
- Quel message ce conte veut-il nous communiquer? Quelle est la morale à la fin de l’histoire?
- Êtes-vous en accord ou en désaccord avec ce message? Pourquoi?
- Au besoin, revoir la vidéo à partir de 1:40 en portant attention aux propos du père :
- « Tu as bien travaillé mon enfant, mais regarde maintenant les marques sur ce mur.
Chaque fois que tu es méchant avec quelqu’un, tu laisses des traces dans sa vie comme les trous dans ce mur.
Tu peux faire du mal à une personne, combien de fois tu diras être désolé de l’avoir fait, il restera toujours une cicatrice (...) »
- Dans le même ordre d’idée, il serait possible de faire vivre aux élèves l’analogie du papier froissé :
- Indiquer aux élèves qu’elles et ils vont vivre une expérience de simulation en lien avec l’intimidation.
- Remettre une feuille de papier à chaque élève.
- Leur demander de froisser la feuille en l’écrasant dans leurs mains. Puis, leur demander d’appuyer plus fort, de lancer la feuille par terre, de l’écraser sous leur pied, etc. Ces actions réfèrent aux gestes nuisibles et aux paroles blessantes qu’une personne peut recevoir.
- Demander ensuite aux élèves de « s’excuser » à la feuille, puis de l’ouvrir.
- Selon eux, est-ce qu’offrir ses excuses peut toujours effacer les gestes et les paroles qui blessent?
- Encourager les élèves à partager leurs réflexions et leurs sentiments à la suite de l’activité.
Je passe à l’action
Élevons nos voix
- Inviter les élèves à créer un poème au sujet de l’intimidation. Par exemple, elles et ils pourraient écrire un haïku pour illustrer comment une personne se sent lorsqu’elle est victime d’intimidation.
- Les élèves rédigent leur poème sur un morceau de feuille froissée en forme de main ou de cœur. Les poèmes sont ensuite affichés pour former une murale.
- Alternative à l’activité : Les élèves pourraient écrire des mots d’encouragement, ou des qualités et des forces qu’elles et ils ont pour démontrer qu’ensemble, les gestes d’empathie sont plus forts que l’intimidation!
À découvrir sur IDÉLLO : des vidéos d’appui pour le personnel scolaire et les parents
Petits curieux, grandes questions - L’intimidation
Comment parler de l’intimidation avec votre enfant? Dans cette capsule, parents et enfants discutent du sujet ensemble devant la caméra. Martin Flintoff, enseignant accompagnateur pour le climat scolaire, apporte ses conseils aux parents.
On s’expose - Entrevues pour enseignant.es - L’intimidation, on en parle!
L’intimidation est un jeu de pouvoir néfaste qui touche à plusieurs sphères de la vie de nos jeunes. L’implication d’un adulte est souvent nécessaire pour régler le problème. Manon, maman et pédagogue, en discute avec Estelle, sexologue.
Références
1Sondage sur la consommation de drogues et la santé des élèves de l’Ontario (SCDSEO), pour le Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), 2021.
2Prokopenko, E. et Hango, D. (2022). Victimisation par intimidation chez les jeunes de la diversité sexuelle et de genre au Canada. Statistiques Canada.
3Bien-être@l’école. (2012). Cours en ligne sur la prévention de l’intimidation créé par le Centre ontarien de prévention des agressions (COPA).
Annie Bourdeau
Spécialiste de contenu éducatif, EAO
abourdeau@tfo.org