S’improviser YouTubeur pour enseigner en temps de confinement

Une entrevue d'Éric Gauthier par Annie Bourdeau

En cette période de grands changements, les enseignant-e-s font preuve de créativité et d’innovation en expérimentant de nouvelles façons d’enseigner et de garder le contact avec leurs élèves.

Éric Gauthier est un enseignant de sciences, de chimie et de physique dans une école secondaire de Kapuskasing, dans le nord de l’Ontario. Il cumule près de 25 années d’expérience en enseignement. Au début de la pandémie, il a utilisé des imprimantes 3D pour fabriquer des visières pour les hôpitaux locaux. Pour rendre ses cours disponibles à distance, Éric crée des capsules vidéos drôles et originales avec les moyens mis à sa disposition. Sa chaîne YouTube connaît un grand succès auprès de ses élèves et commence même à compter des abonnés au-delà de ses classes! Nous avons eu le plaisir de discuter avec lui en formule webinaire. Voici son témoignage.

Comment fais-tu pour rejoindre tes élèves pendant le confinement?

É.G. -Pour la continuité du programme, j’utilise mon site web. Il contient les notes de classe, les travaux et les corrigés. Il n’est pas tout à fait complet, cependant mes élèves y avaient déjà accès et y étaient habitués. Avant la pandémie, les élèves s’en servaient principalement pour reprendre des notes et travaux suite à des absences. Comme j’avais déjà ce système en place, ça me semblait naturel de continuer à utiliser cet outil.

Cependant, bien qu’accessible, le site n’est pas conçu pour assurer un apprentissage autonome. Vu la complexité de la matière, l’enseignement par modelage et comportant des démonstrations demeure essentiel, idéalement lors de leçons interactives. Malheureusement, une majorité d’élèves ont profité de l'arrêt scolaire pour retourner sur le marché du travail. L’enseignement en direct n’était pas une option puisque plusieurs n’auraient pas été disponibles. Je devais donc trouver comment enseigner, modeler et faire des démonstrations d’une façon qui soit accessible en tout temps, et suffisamment motivante pour aller chercher mes élèves hors des heures habituelles. Alors j’ai pensé: YouTube! Les jeunes connaissent bien la plateforme, ils l’aiment et ils l’utilisent. Pourquoi pas?


Peux-tu nous parler du processus de création des vidéos de ta chaîne YouTube?

É.G. - Haha! “Processus de création” me fait paraître si professionnel!

Je choisis une leçon et j’imagine les démonstrations nécessaires. J’utilise ce que j’ai sous la main et je fais mon gros possible. Des fois ça fonctionne bien et ça aide à l’apprentissage et des fois ça foire, mais ça fait rire les élèves (et moi aussi), alors on en sort tous gagnants peu importe!
Je me filme avec mon cellulaire, j’enregistre ma voix, je trouve des images, de la musique ou des séquences vidéos sur l’Internet pour appuyer mes leçons. Je transfère tout sur mon ordi et j’édite en m’assurant de garder les bons coups comme les mauvais! Je ne vise pas du tout la perfection. D’ailleurs, les élèves me disent que c’est l’imperfection qui les fait revenir à mes vidéos! Ça les fait rire et ça garde le contact humain. Souvent, j’ajoute des p’tits bouts moins utiles côté apprentissage, mais qui agissent comme appât auprès des élèves qui, semble-t-il, aiment bien me voir faire le coco.

Il faut aussi dire que les vidéos ne règlent pas tous les problèmes. Mon site Internet offre aussi la possibilité d’obtenir de l’aide en direct sur demande. À ces moments, je peux offrir un enseignement ‘face à face’ pour les élèves qui auraient besoin de clarifications.

 

Comment tes élèves réagissent-ils à tes vidéos?

J’ai peu d’information à ce sujet de leur part. Ce sont plutôt les parents qui m’en parlent. Apparemment, les élèves les aiment bien et les regardent assidûment. C’est réconfortant de savoir que, malgré le fait que plusieurs élèves ne sont pas disponibles pour des leçons en direct, ils regardent mes vidéos. Même si c’est d’abord pour rire, ils vont voir les concepts et continuer d’être en contact avec les apprentissages. Ce qui m’encourage aussi, c’est le nombre de vues de mes vidéos qui dépassent largement la taille de mes classes. J’aime bien croire que les élèves les regardent plus d’une fois ou les partagent avec des amis. Je pense que les parents doivent aussi les regarder. Tant mieux, je suis rendu avec 50 abonnés à ma chaîne YouTube, je pense.

 

Quels défis as-tu rencontrés et qu’as-tu découvert en vivant cette nouvelle expérience?

Un défi : le temps. Éditer, c’est long. Je suis plus rapide qu’au début, mais je découvre des nouveaux trucs avec le logiciel qui donnent le goût d’essayer des nouvelles choses, ce qui me rend plus lent. C’est un peu un cercle vicieux!

Ce nouveau processus m’a ouvert une porte que je n’avais jamais envisagée auparavant. Je sais maintenant qu’une fois la crise terminée, je vais continuer à utiliser des vidéos pour illustrer certains concepts. C’est certain que les interactions en personne sont bien mieux pour démontrer des concepts, mais quelques fois, c’est utile de pouvoir ‘arrêter le temps’ pour observer des séquences qui se passeraient trop vite en temps réel ou d’insérer du texte dans l’espace d’une démonstration. C’est un genre de réalité augmentée!

 

En terminant, si tu avais un conseil pour les enseignant-e-s, quel serait-il?

Si vous décidez de faire des vidéos, ne soyez pas trop perfectionniste. Les petites erreurs rendent le tout plus réel, plus humain. Sans elles, les vidéos deviennent stériles et ennuyantes… un peu comme les vidéos de formation lors des journées pédagogiques!

 

Vous n’avez pas pu participer au webinaire avec Éric?
Voyez l’enregistrement sur YouTube!

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