Au cœur de la pédagogie bienveillante
Par Caroline Moffet
Ce texte se veut un voyage au cœur de la pédagogie bienveillante de quatre enseignants. Avec eux, le lecteur parcourra les sentiers de la relation pédagogique, de l’engagement et de l’école comme zone de résonance. En espérant que cette aventure aura l’effet d’une bûche qui réchauffera vos réflexions pédagogiques. On en aura tous grandement besoin pour les prochains mois.
Sur le chemin de l’enseignant bienveillant
L’enseignant bienveillant est un mobilisateur disposé à aller au-delà des résultats ou des évaluations. Il s’intéresse à ses élèves. Il les encourage à fournir l’effort au maximum de leurs compétences tout en offrant un filet de sécurité à l’intérieur duquel les étudiants peuvent y déposer leurs couleurs.
Réto (2017)1 propose 4 piliers pour devenir un professeur bienveillant :
- l’intérêt
- l’encouragement
- l’ouverture à la communication
- la reconnaissance devant l’effort.
L’enseignant bienveillant place l’élève au centre de ses choix pédagogiques. Il construit ses cours pour que la lumière soit sur eux et sur leur processus d’apprentissage. Il fait place à la parole en classe. Pour Anne-Marie : « L’éducation bienveillante c’est créer une relation qui a du sens. Quand mes élèves me rencontrent pour la première fois, ils ne savent pas qu'on va bientôt s'aimer, mais moi je le sais. Certains d'entre eux entrent dans la classe le premier jour la main déjà tendue. Ce sont mes alliés. D’autres sont davantage sur leurs gardes. Mais moi, j’ai vu 100 fois cette réserve et 100 fois encore le respect, l’humour et l’amour faire baisser la garde. Et c’est là, quand la confiance est installée, que l’engagement des élèves commence, ainsi que la belle aventure vers l’apprentissage. »
Bref, Anne-Marie incarne la posture de l’enseignante ouverte, engagée et encourageante. Cela s’exprime dans sa manière à elle de créer des liens avec l’autre, de l’aimer et de l’inviter à aimer apprendre pour alimenter la relation pédagogique. Et vous, comment vous y prenez-vous?
La bienveillance dans la relation pédagogique
Selon Wright (2017)2 la compétence en enseignement dépasse les habiletés pédagogiques (clarté, organisation, matériel, etc.) pour toucher à l’affectif, à l’interaction et au rapport de l’enseignant envers ses élèves. C’est ce que vit Marie-Josée en classe : « Pour bien enseigner, il faut rejoindre l’élève le plus profondément possible. Pour y arriver, quoi de mieux que de bien l’accueillir, de le regarder dans les yeux, de le questionner, de trouver des méthodes et des exemples issus de ce qu’il vit, de mettre de l’humour et de l’amour dans ce que nous faisons. Pour ces raisons, rien de mieux que la bienveillance pour être une super prof! ». Marie-Josée considère qu’un bon professeur est heureux, il a l’énergie, la créativité, la curiosité et la passion pour ce qu’il enseigne qui est ressentie chez les élèves. Cet enseignant crée une relation authentique avec ses étudiants.
Cette dimension interpersonnelle serait la clé de la réussite éducative et la base d’une approche bienveillante. Nous sommes faits de ce que nous transmettons. Mais que voulons-nous transmettre véritablement en classe?
Pour créer du lien :
- Je reste moi-même, je suis authentique;
- Je prends le temps de créer un climat de classe agréable;
- Je m’intéresse à mes élèves;
- Je leur donne la parole et je les écoute;
- Je connais mes valeurs pédagogiques et je les partage;
- Je connais mes limites et je les partage.
La bienveillance dans l'engagement
La bienveillance dans l’engagement c’est amener ses élèves à développer leur pouvoir d’agir, de réfléchir et de s’impliquer. Cela leur sera utile à l’école et dans la vie. C’est ce que propose Anthony : « Depuis le printemps, on n’arrête pas d’entendre que les étudiants sont fragilisés par la pandémie et on les prend en pitié. Moi, je veux leur transmettre la résilience. Leur dire que les épreuves comme celle de la Covid-19 vont les rendre plus forts, leur permettre de se dépasser, de devenir plus autonomes, de développer leurs propres stratégies et d’améliorer leur confiance en eux. C’est cela que je veux transmettre en classe : grandir au travers des défis ».
Les élèves d’Anthony ont la chance d’apprendre à considérer leurs difficultés et leurs erreurs comme des tremplins pour les propulser plus loin et de se dire : chance ou malchance? Menace ou défi? En d’autres mots, développer une mentalité de croissance.
Pour que l’élève s’engage3 :
- L’impliquer, lui demander son opinion, lui donner des choix;
- Le placer devant un défi cognitif qui demande une contrainte de temps ou de moyen;
- Stimuler son engagement par une variété d’activités senties, qui ont un sens pour lui;
- Lui permettre de partager ce sens avec d’autres pairs;
- Offrir des lieux de parole et d’échanges qui valident la compréhension personnelle du phénomène étudié.
La bienveillance comme zone de résonance
Mettre un peu de positif dans notre mois de novembre nous ferait du bien? À l’instar des théories du bonheur selon Seligman, pourquoi ne pas nous questionner sur le sens, le plaisir et l’engagement dans notre préparation de cours :
- Est-ce que cette notion est utile? Est-ce que ça a du sens pour moi comme enseignant? Et pour eux?
- Est-ce que je suis heureux/heureuse d’enseigner cela? Et eux?
- Est-ce que je sens que les élèves seront engagés et mobilisés? Est-ce que je le suis moi-même en préparant ce cours?
- Si nous répondons oui à ces questions, nous sommes entrés dans la zone de résonance.
Pratiquer l’école de la résonance de Rosa (2018)4 c’est se questionner sur les mobiles, les buts et les résultats d’un enseignement vibrant. C’est aligner la matière, les activités et les évaluations en fonction des besoins et des intérêts des élèves et de l’enseignant. C’est expliquer pourquoi on apprend tel ou tel aspect et en quoi cela revêt une importance capitale pour l’apprenant. Présentée ainsi, la théorie les inspirera à se mobiliser vers leur propre compréhension. La zone de résonance, c’est ce petit supplément d’âme, cet effort pour résonner juste et ensemble pour faire vibrer la soif d’apprendre chez nos élèves au-delà de notre cours.
Pour Sarah, cette école de résonance se retrouve au cœur de sa pratique. Elle veut amener l’étudiant à changer son regard sur lui-même et sur le monde : « Ce que je veux transmettre c’est de susciter l’engagement par une approche humaniste et expérientielle. Je veux qu’ils apprennent à apprendre pour être la meilleure version d’eux-mêmes! ». Elle voit sa classe comme un terrain de jeu. Elle se plait à expérimenter des pratiques innovantes surtout en matière d’évaluation des apprentissages.
Pour atteindre la résonance :
Motiver intrinsèquement nos élèves, c’est réfléchir pour que notre activité :
- soit signifiante, diversifiée, authentique;
- représente un défi;
- exige un engagement cognitif;
- responsabilise et permette de faire des choix;
- permette d'interagir et de collaborer avec les autres;
- ait un caractère interdisciplinaire;
- comporte des consignes claires;
- offre un temps suffisant pour accomplir la tâche.
En conclusion
Avec Anne-Marie, Marie-Josée, Anthony et Sarah, nous avons sorti notre lampe de poche pour éclairer novembre quelque part à travers les sentiers de la bienveillance en éducation. À partir de la relation, de l’engagement et de la résonance, nous nous sommes questionnés sur ce que nous voulons transmettre à nos élèves pour les faire vibrer. En espérant que ces trouvailles auront réchauffé votre automne et alimenté vos réflexions.
1Réto, G. (2017). La bienveillance à l’École : vers un changement de paradigme ? Revue généraliste de recherches en éducation et formation.
2WRIGHT, A (2017). Analyse des valeurs en enseignement, webinaire TELUQ, Université de Windsor.
3Moffet,C. Apprendre avec l’Autre. Autrement. Pédagogie collégiale, vol 32,numéro 3, printemps 2019, P.27
4Rosa, H. Résonance. Une sociologie de la relation au monde, Paris, La découverte, coll théorie critique,536 p.
Caroline Moffet
Conseillère pédagogique à Mérici collégial privé et conceptrice pédagogique
moffetcaroline@gmail.com
Caroline Moffet a enseigné le français dans plusieurs institutions et plusieurs ordres d’enseignement. Depuis 2013, elle est conseillère pédagogique dans le réseau collégial du Québec. Elle accompagne les professeurs dans leur réflexion pédagogique en créant un espace d’échange et d’apprentissage où ils sentent qu’ils peuvent s’exprimer et enrichir leur pratique. Outre son enseignement, elle a développé et publié du matériel pédagogique pour la Collection À vous! de l’Université de Saint-Boniface au Manitoba et pour le Centre des Premières Nations Nikanite de l’UQAC.
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