Les émotions et l’apprentissage informel dans les musées
Par Ellen Morrison

On s’interroge souvent sur les compétences et les qualités les plus importantes à développer chez un enfant. Si on espère que les enfants en viennent à aimer la lecture ou qu’ils cultivent un intérêt pour les sciences, la plupart des éducateurs et des parents souhaitent d’autant plus que ceux-ci développent de solides compétences sociales et émotionnelles, par exemple :

  • la capacité d’être heureux;
  • avoir des relations interpersonnelles bienveillantes et encourageantes;
  • faire preuve d’empathie et de bienveillance envers les autres;
  • prendre des décisions responsables;
  • avoir la motivation et la capacité de réussir; et
  • éviter les comportements risqués1.

Ces objectifs de développement sont importants à l’enfance et à l’adolescence. D’un point de vue personnel, le manque d’approfondissement de compétences socioémotionnelles peut entraîner une aliénation sociale ainsi que des comportements antisociaux et risqués2. D’un point de vue pédagogique, il existe des liens étroits entre le bien-être émotionnel et les résultats cognitifs3.

Au Musée des sciences et de la technologie du Canada, reconnaître les émotions de nos participantes et  participants et miser sur celles-ci est une facette clé de notre programmation. Cet article portera sur l’intégration de ces émotions dans nos programmes. D’abord, il sera question de l’orientation des stratégies d’apprentissage socioémotionnel par la conscience de soi, l’autogestion des émotions et le développement de compétences relationnelles positives. Ensuite la façon de miser sur les émotions dans les programmes éducatifs pour favoriser l’apprentissage sera abordée. L’article terminera avec quelques idées pour permettre aux enseignants et accompagnateurs de tirer profit des émotions lors de leurs visites au musée.

Ces objectifs de développement sont importants à l’enfance et à l’adolescence. D’un point de vue personnel, le manque d’approfondissement de compétences socioémotionnelles peut entraîner une aliénation sociale ainsi que des comportements antisociaux et risqués2. D’un point de vue pédagogique, il existe des liens étroits entre le bien-être émotionnel et les résultats cognitifs3.

Au Musée des sciences et de la technologie du Canada, reconnaître les émotions de nos participantes et  participants et miser sur celles-ci est une facette clé de notre programmation. Cet article portera sur l’intégration de ces émotions dans nos programmes. D’abord, il sera question de l’orientation des stratégies d’apprentissage socioémotionnel par la conscience de soi, l’autogestion des émotions et le développement de compétences relationnelles positives. Ensuite la façon de miser sur les émotions dans les programmes éducatifs pour favoriser l’apprentissage sera abordée. L’article terminera avec quelques idées pour permettre aux enseignants et accompagnateurs de tirer profit des émotions lors de leurs visites au musée.

Apprentissage des émotions

De façon générale, dans un musée, nos interactions avec les apprenants sont brèves et ponctuelles. Bien que nous soyons certainement témoins d’une gamme d’émotions pendant la durée de l’interaction, la puissance des compétences émotionnelles et sociales nous est particulièrement évidente lorsque nous travaillons avec un groupe de jeunes pendant une période prolongée. Nous avons eu l’occasion de travailler à long terme avec des groupes dans le cadre de programmes de visites répétées à l’intention des jeunes et de familles défavorisés. Ces programmes nous ont permis de constater que les participants manquent souvent d’efficacité personnelle pour être en mesure de démarrer un projet avec confiance, ou ont besoin de soutien pour gérer leurs émotions et avoir des interactions sociales positives avec leurs pairs. Comme les programmes d’apprentissage socioémotionnel se sont révélés particulièrement bénéfiques avec les enfants défavorisés4, nous avons inclus des stratégies d’apprentissage socioémotionnel dans nos interactions avec les participants. Ces stratégies comprennent notamment : 

  • l’écoute active et le questionnement pour favoriser une communication significative et l’établissement de liens; 
  • la modélisation de la gestion des émotions; 
  • le recadrage des activités pour qu’elles soient axées sur les solutions plutôt que sur les problèmes, tout en valorisant la démarche plutôt que le produit; 
  • un soutien aux participants pour qu’ils défendent eux-mêmes leurs intérêts; 
  • de l’accompagnement et de la rétroaction pour favoriser des comportements sociaux positifs; et 
  • la célébration des réussites et la gestion des défis en tant que pairs.

Dans ces programmes, nous donnons la priorité au développement des compétences socioémotionnelles et considérons l’apprentissage des contenus comme étant un objectif secondaire. Nous espérons que cette stratégie contribuera à renforcer l’auto-efficacité de nos apprenants afin qu’ils aient la confiance nécessaire pour s’engager profondément envers les sujets présentés. Nous avons appris que ces programmes ont un plus grand impact positif lorsqu’ils peuvent renforcer la confiance et susciter l’intérêt pour les sciences et la technologie dans un environnement sécuritaire et bienveillant.

Apprentissage par les émotions

Les émotions peuvent également être un outil puissant pour l’apprentissage de différents sujets parce qu’elles influencent la manière dont nous apprenons et ce que nous apprenons5. Au musée, nous essayons de provoquer des émotions dans notre programmation afin d’approfondir le lien entre les élèves et les contenus. L’apprentissage informel, c’est-à-dire tout apprentissage qui a lieu hors du cadre traditionnel de l’école, fait le pont entre les émotions et l’enseignement formel reçu en classe. Par sa nature, l’apprentissage informel dans des espaces comme des musées est collaboratif, interactif et ouvert. Les participants sont en mesure de faire des choix concernant leur apprentissage, et de vivre une expérience active et sociale, donnant lieu à de la curiosité et à une motivation intrinsèque. Grâce à ces expériences, les élèves sont en mesure d’entrer en lien avec les contenus à un niveau personnel6.

Nous gardons cela à l’esprit lorsque nous concevons un nouveau programme, en offrant aux élèves de nombreuses occasions de faire des choix concernant leur apprentissage et en établissant des liens entre les contenus et leurs expériences personnelles. Nous mettons également l'accent sur les activités qui provoquent des émotions chez les élèves. nous les célébrons toutes! Regarder des gros plans d’insectes dans l’exposition Les mondes cachés? Beaucoup diront « Beurk, c’est dégoûtant! ». Apprendre comment les routes de glace de l’Arctique fondent dans notre programme Adaptations aux changements climatiques? Certains se sentiront tristes, effrayés, en colère ou inspirés à agir. Voir à l’écran un dessin réalisé en classe se faire découper au laser dans le cadre du programme Concevoir avec la technologie?

« C’est vraiment génial! », s’exclameront-ils! Les élèves se sentent fiers de ce qu’ils ont réalisé! Toutes les émotions ont de la valeur et constituent une expérience que les élèves ne sont pas prêts d’oublier!

Comment les accompagnateurs peuvent-ils tirer parti des émotions lors d’une visite au musée?

Que vous prévoyez une visite en personne ou virtuelle, voici quelques stratégies qui peuvent aider les élèves à entrer en lien avec les contenus sur le plan émotionnel. Tout d’abord, préparez vos accompagnateurs à l’aide de quelques questions directrices qu’ils pourront utiliser pour provoquer la discussion avec les élèves. Essayez des questions de relation comme : « avez-vous déjà vécu ce scénario? » « Que s’est-il passé? » « Comment cela affecte-t-il cela? » « Comment cela affecte-t-il votre corps, votre santé, votre collectivité, votre famille ou votre école? » Ou encore, essayez des questions d’imagination ou de résolution de problèmes, par exemple : « pouvez-vous imaginer des façons pour changer cela? » « Selon vous, que pourrions-nous faire en tant que personne, famille, école, collectivité, ville, pays à propos de ce problème? » Ou même des questions de réflexion métacognitive, comme : « est-ce que quelque chose ici vous surprend? » Ou allez droit au but : « que pensez-vous de ça? » « Qu’est-ce que cela vous fait ressentir? » « Pourquoi cela vous fait-il sentir ainsi? »

Vous pouvez aussi parler de certains des points forts de votre visite avec les parents ou les tuteurs des élèves et encourager ceux-ci à poursuivre la discussion à la maison. Parlez de leurs expériences à d’autres peut aider les élèves à établir un lien plus personnel. D’autres membres de la famille peuvent alors parler de leurs propres expériences avec le sujet et de leurs sentiments sur le sujet, aidant ainsi les élèves à voir les liens entre leurs expériences et celles des autres, au-delà du musée ou de l’école.

Conclusion

Nous utilisons une variété de stratégies axées sur les émotions dans les programmes du Musée des sciences et de la technologie du Canada, chacune étant pensée sur mesure en fonction de chaque auditoire visé et des objectifs à atteindre. Quelle que soit l’émotion ressentie, nous savons qu’elle contribue à rendre l’expérience plus significative et mémorable.

Références

1Schonert-Reichl, K. A. et Hymel, S. (2007). Educating the heart as well as the mind: Social and emotional learning for school and life successEducation Canada47(2), 20-25.

2StGeorge, J. et Freeman, E. (2018). Social-emotional learning through a drumming intervention. Approaches: An Interdisciplinary Journal of Music Therapy, First View (publication en ligne), 1-11.

3Youngblood, S. Y. (2015). Teachers’ Perspective on Implementing Social-Emotional Learning Standards (mémoire de doctorat, Université Walden).

4Caldarella, P., Christensen, L., Kramer, T. J. et Kronmiller, K. (2009). Promoting social and emotional learning in second grade students: A study of the Strong Start curriculumEarly Childhood Education Journal37(1), 51-56. Collaborative for Academic, Social, and Emotional Learning. Consulté le 20 mars 2020 à http: www.casel.org. 

5Zins, J. E. et Elias, M. J. (2006). Social and emotional learningChildren’s needs III: Development, prevention, and intervention, 1-13.

6Bamberger, Y. et Tal, T. (2007). Learning in a personal context: Levels of choice in a free choice learning environment in science and natural history museums. Science Education, 91(1), 75-95.

 

Ellen Morrison | Coordonnatrice, éducation et interprétation
Musée des sciences et de la technologie du Canada

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