La pédagogie des sens avec les bacs sensoriels
Par Béatrice de Montigny

Depuis que je suis enseignante en maternelle et jardin d’enfants, je suis une adepte des bacs sensoriels. Pourquoi?
Parce qu’ils offrent
la chance à l'enfant d'utiliser ses 5 sens en harmonie, ce qu’on retrouve d’ailleurs dans
l’approche de Maria Montessori.
Cette pédagogie du jeu libre aiguise la curiosité, permet de découvrir le monde, travaille la motricité fine, développe l'autonomie, encourage la créativité et stimule le plaisir, en plus de favoriser des apprentissages en numératie et en littératie.

C’est un outil d’apprentissage au potentiel illimité, où chaque enfant sera stimulé, peu importe où il est rendu dans son apprentissage. C’est donc un outil très inclusif, en plus d’être très populaire auprès des enfants qui ont l’impression de découvrir un coffre aux trésors! Au fil des ans, j’ai élaboré une liste de choses à considérer lorsque j’en prépare. Ici, je propose de vous les partager.

1- Quel élément sensoriel est-ce que je veux inclure?

Il s’agit ici de la base, de la toile de fond. J’utilise souvent du riz (eh oui, il y aura du riz par terre, mais les élèves peuvent se pratiquer à manier le balais quand c’est le temps de ranger!) et des pâtes (par exemple, les macaronis peuvent être enfilés sur des fils). On peut alors décider de les teindre pour ajouter un élément visuel. On peut ajouter des fèves dures pour avoir des textures et des grosseurs différentes, et plus encore! Ici aussi, notre imagination n’a pas de limite!

2- Quel élément de motricité fine aimerais-je travailler?

Dans un bac, j’aime inclure deux ou trois éléments de motricité fine. Cela ne veut pas dire que c’est ce que les enfants utiliseront. C’est aussi la beauté des bacs sensoriels : à chaque fois que j’en sors un nouveau, les élèves pensent à utiliser les éléments d’une façon à laquelle je n’avais pas pensé! Ceci étant dit, on peut inclure des petites pelles, des petites cuillères ou des tasses à mesurer, des petites pinces, des pinces à linge, des cure-pipes, des fils élastiques ou de la ficelle.

3- Comment puis-je favoriser l’apprentissage de la littératie ou de la numératie?

Normalement, j’inclus un élément de numératie ou de littératie, cependant on peut aussi combiner les domaines si on le désire. Comment faire pour que le bac demeure un outil ludique? Je pense à ce que j’aimerais que les enfants travaillent et je choisis des objets qui pourront être utilisés de plusieurs manières. Ainsi, en numératie, je peux mettre des clochettes sur lesquelles j’inscris les numéros de 1 à 10. Peut-être que les enfants les mettront en ordre, peut-être qu’ils feront de la musique, ou encore peut-être qu’ils les enfileront sur un fil, mais ils seront à tout le moins exposés aux chiffres. Je peux prévoir un nombre d’objets précis, par exemple 1 flocon, 2 bonhommes de neige, 3 renards, etc.; à voir si les enfants s’en rendent compte en faisant des ensembles. Je peux inclure des cartes avec des chiffres et observer comment les enfants les utilisent. Je peux inclure des objets de différentes formes ou de différentes couleurs afin de favoriser les suites logiques. En littératie, je peux inclure la lettre que nous voyons pendant la semaine, toutes les lettres vues jusqu’à maintenant ou encore toutes les lettres de l’alphabet; je peux aussi mettre certaines lettres en majuscules et minuscules pour voir s’ils les associent. Je peux inclure des objets qui commencent par le même son (moufette, mitaine, main, maison, etc.). Je peux inclure des billes avec des lettres écrites dessus, des tuiles Scrabble, des petites lettres en bois ou des grosses lettres en plastique; comme en numératie, je peux prendre un objet et y inscrire une lettre dessus. Encore une fois, nous ne savons pas comment les enfants utiliseront tous ces objets, mais ils seront exposés à des éléments de littératie.

4- Et pour finir, que puis-je ajouter?

Il est important d’ajouter certains objets qui n’ont pas d’objectifs particuliers. On peut par exemple faire un bac avec du riz, des billes avec des lettres, des pinces, des coquillages et des dinosaures. Dans ce cas-ci, j’ai vu des élèves faire des petits gâteaux en mettant du riz dans les coquillages, puis en ajoutant des billes de couleur sur le dessus. À ce moment, leur motricité fine est très engagée. Dans un autre bac, j’ai mis des petites clochettes, qui se sont transformées en instrument de musique, en bague sur cure-pipe, en collier, en barrette à cheveux, en suite logique et j’en passe. Ces éléments qui n’ont pas de but précis ouvriront la porte à la créativité des enfants, et c’est là que la magie des bacs sensoriels opère. On ne veut toutefois pas un bac trop rempli, il faut donc faire des choix. Je suggère alors d’utiliser de 2 à 3 éléments dans cette catégorie. Cependant, il n’y a pas de règle fixe! On peut aussi penser à un thème et trouver des objets qui y sont reliés.

5- Comment favoriser l’engagement des élèves?

Les bacs sensoriels sont toujours populaires dans ma classe, car ils sont comme des coffres aux trésors. Les enfants ont toujours hâte de voir ce qu’ils pourront y trouver. Je les laisse tout d’abord explorer et jouer, en regardant la façon dont ils utilisent les éléments. Certains seront plus attirés par les éléments sensoriels, par exemple se mettre les mains dans le riz à répétition : c’est parfait ainsi! Certains enfants ont besoin d’expérimenter ces sensations. D’autres iront dans l’imaginaire en enfilant des billes sur un fil et en faire un collier, ou même des chiots qu’ils promènent en laisse. Ils travaillent ici leur motricité fine et leur créativité.

Enfin, d’autres remarqueront les lettres et les chiffres feront des suites logiques ou écriront même des mots. En tant qu’enseignant, on peut s’asseoir avec eux et jouer, poser des questions (« As-tu remarqué qu’il y avait des numéros? » « Quelle est cette lettre? »). Cependant il est important de ne pas forcer l’enfant s’il n’est pas intéressé. On peut alors jouer et émettre des commentaires (« Ah wow, je remarque ici qu’il y a la lettre M, comme dans le mot maison! » « J’ai décidé de faire une suite logique avec les flocons, toi qu’est-ce que tu fais? »). En jouant avec eux et en acceptant que ce sont eux les meneurs de leur apprentissage, les bacs sensoriels nous offrent une belle vitrine sur les processus cognitifs en restant dans un contexte ludique. On développera en même temps une proximité avec les élèves, élément très important dans l’établissement d’une relation saine avec eux. Finalement, je suggère de les retirer et d’en faire de nouveau lorsque les enfants ne vont plus vers ce jeu pendant plusieurs jours, donc après 3-4 semaines environ.

Pour terminer, quelques petites considérations supplémentaires : les bacs sensoriels peuvent être faits dans n’importe quel contenant, assez gros pour y mettre un sac de pâte ou de riz environ; un contenant rond en plastique transparent, une boîte cadeau, un bac de rangement, une petite chaudière décorée, un chaudron (à l’Halloween), etc. Les enfants peuvent y jouer seuls ou à plusieurs, tout dépendant de la grosseur du contenant; à ce moment les élèves doivent apprendre à partager les éléments qui s’y retrouvent. Enfin, je leur explique aussi dès le début qu’ils sont responsables de bien ranger et donc de faire attention pour ne pas en mettre partout, et, le cas échéant, qu’ils sont responsables de ramasser (avec mon aide si nécessaire).

Regarder les enfants jouer dans les bacs sensoriels me laisse toujours émerveillée. On voit la façon dont ils transfèrent leur apprentissage dans leur façon de jouer, mais surtout, ils font preuve d’une telle créativité! C’est un outil qui peut avoir l’air banal, mais qui mérite d’être exploité à son plein potentiel. Les bacs conviennent à tous les élèves, peu importe leur stade de développement. Ils sont stimulants et les amènent dans leur zone de développement proximal. Je vous encourage fortement à les essayer, vous ne le regretterez pas!

Béatrice de Montigny
Enseignante au CEPEO, étudiante au doctorat en éducation

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