Comment développer la motivation intrinsèque des élèves en mathématiques

Par Johanne A. Séguin

En tant qu’enseignante de mathématiques, j’ai passé beaucoup de temps à essayer de trouver des nouvelles méthodes et activités pour motiver mes élèves. Je considérais comme un échec personnel le fait qu’un élève ne réussissait pas dans ma classe. Je me disais que s’il n’avait pas réussi c’était parce que je ne l’avais pas assez motivé pour le sujet.

Je me suis sentie ainsi jusqu’au jour où, après plusieurs conversations avec des collègues et amis, j’ai réalisé que la motivation devait venir de l’élève avant tout. Ma tâche principale en tant qu’enseignante n’est pas tant de motiver l’élève à aimer la matière mais de développer sa motivation intrinsèque pour son apprentissage et, du même fait, sa compétence d’apprentissage autonome.

Voici six stratégies que j’utilise pour aider à développer la motivation intrinsèque chez mes élèves.

1. Parler de l’importance de connaître nos forces et nos faiblesses

Dès la première journée d’école, je fais une activité avec mes élèves. Je sors deux volontaires dans le corridor pour leur parler de l’activité que nous allons faire ensemble.  Ces deux élèves vont participer à une course. Disons que leurs noms soient Marc et Pierre. Marc, un excellent coureur, peut effectuer sa course sans embuches tandis que j’impose un handicap à Pierre : chaque fois qu’il fait un pas, il doit se pencher, toucher par terre avec sa main droite, se relever, faire un tour sur lui-même et ensuite recommencer pour le prochain pas.

Pour le scénario, Marc devra commencer à courir à toute vitesse mais, une fois qu’il se rend compte qu’il va gagner facilement, il devra ralentir son envol et prendre son temps avant de gagner.

De mon côté, je les avertis que je vais encourager Marc puisqu’il est si bon et que je vais dire à Pierre de fournir plus d’efforts, bien qu’il fasse de son mieux pour avancer.

Une fois la course terminée, je tiens une conversation avec les élèves. Ils trouvent tous que j’ai été injuste envers Pierre car il faisait réellement de son mieux - il n’était pas paresseux. Il travaillait vraiment fort, mais Marc lui, n’a pas fait de son mieux même s’il a gagné.

C’est à ce point de la conversation que je les amène à réaliser qu’en mathématiques, il y a des élèves qui sont des athlètes et il y a des élèves qui arrivent avec un handicap quelconque.

Je leur dis aussi que Marc et Pierre veulent participer à un marathon à la fin de l’année et je leur demande s’ils pensent que les deux devront suivre le même entraînement pour réussir le marathon. La réponse à cette question est toujours “non”. Pierre va devoir pratiquer davantage la base de la course avant de faire de longues distances. De son côté, Marc réussit déjà la base de la course alors il devra se pousser en se mettant des poids sur les mollets ou en faisant de plus longues distances. Quoi qu’il en soit, en prenant les bons moyens, les deux pourront y arriver.

Rendus ici dans la conversation, les élèves ont déjà compris mon point et ce sont eux qui peuvent identifier la morale de l’histoire : tout le monde est différent. C’est à chaque élève de se connaître et de prendre les moyens nécessaires s’il veut se rattraper ou s’assurer de se trouver des défis s’il est déjà avancé en maths. De mon côté, mon rôle est de les guider dans cette démarche.

Depuis que j’ai commencé à faire cette activité, je vois des changements chez mes élèves. Ce sujet revient plusieurs fois au cours de l’année et le niveau de motivation intrinsèque augmente. L’élève qui vit plus de difficultés peut se rendre compte que c’est à lui de trouver les outils qui l’aideront à cheminer, tandis que l’élève qui fournit seulement l’effort minimum pour obtenir une bonne note comprend qu’à la longue, ceci ne va pas l’aider à développer davantage ses compétences.

2. Prendre le temps d’expliquer la raison ou l’utilité d’un concept

Quand j’étais étudiante, ma bête noire était lorsqu’un enseignant me faisait faire du travail sans m’expliquer sa raison d’être. Et pire… quand je demandais à l’enseignant pourquoi il fallait faire le travail et qu’il me répondait en phrase incomplète “parce que”... Ça me donnait le goût de tout abandonner.

Mes élèves me demandent pourquoi ont-ils besoin d’apprendre à diviser les nombres en plus petits multiples au lieu de simplement se servir de la formule de division longue? Au lieu de répondre : “parce que c’est dans le curriculum”, je leur explique que mon but est de les aider à comprendre le sens d’un nombre et comment les nombres peuvent se former et se décomposer. De cette façon, ils pourront plus facilement faire des estimations et vérifier leurs résultats. Je leur explique aussi qu’une fois qu’ils auront pris l’habitude de décomposer leurs nombres, les calculs mentaux deviendront de plus en plus faciles pour eux.

C’est beaucoup plus facile à se motiver à faire un travail quand on comprend sa raison d’être.

3. Démontrer que l’erreur, c’est bon!

Dans les deux premières semaines d’école, j’explore les règles de divisibilité avec mes élèves. Au lieu de simplement leur présenter les règles, j’écris des nombres au tableau en plus de crochets ou de croix à côté de ceux-ci. Je demande ensuite aux élèves de discuter entre eux et de voir s’ils peuvent trouver la règle avec le peu d’information que j’ai mis au tableau.

Au début, il n’y a qu’un ou deux braves qui lèvent la main. J’écoute les réponses des élèves et je valorise leur raisonnement. J’explique qu’il n’y avait pas assez d’information pour trouver la règle mais que j’applaudis les élèves qui ont essayé de faire des liens et des raisonnements à partir de ce que j’avais donné. J’explique que, dans ma classe, j’adore quand un élève essaie et partage avec le groupe. Si la réponse est incorrecte, super!, ça me donne la chance d’enseigner à partir de l’erreur. Ça me donne la chance de connaître la pensée de mes élèves et d’adapter mon enseignement. Ça me donne surtout la chance de voir s’il y a un manque de compréhension que je n’avais pas anticipé.

J’ai tellement de plaisir à adapter mon enseignement et à fournir des indices à partir des erreurs qu’après ce premier exercice, presque toutes les mains se lèvent pour offrir leur réponse.

Une des tâches que je prends le plus au sérieux en tant qu’enseignante en mathématiques est de réduire la stigmatisation liée à l’erreur. L’élève qui a peur de faire une erreur va abandonner plus facilement.  

Sachant qu’il ne sera pas ridiculisé pour ses erreurs, l’élève sera plus motivé à venir chercher de l’aide et à participer.

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4. Faire ressortir les qualités d’un bon apprenant et fixer des objectifs

Le groupe d’enseignantes et enseignants de mathématiques au pavillon de mon école a développé une activité pour les élèves. Ensemble, les élèves sont amenés à trouver et énumérer les qualités d’un bon apprenant.  

Une fois cette liste complétée, je la remets à chaque élève. Il doit mettre un A à côté de chaque qualité qu’il croit déjà avoir acquise. Il doit ensuite choisir deux ou trois qualités qu’il n’a pas encore acquises et les inscrire au bas de la feuille.  

Pour les deux prochains mois, il devra maintenir les qualités acquises et travailler sur l’acquisition de ces deux ou trois nouvelles qualités. Nous refaisons cette activité périodiquement.

En se donnant des petits défis sur lesquels se concentrer, l’élève est plus motivé à travailler sur lui-même, par rapport à lui-même. Ce qui m’amène au prochain point.

 

5. Démontrer que la compétition est avec soi-même - pas avec le groupe

L’élève qui rencontre plus de difficultés et qui entre en compétition avec des élèves qui ont de la facilité va se décourager.  

Cela ne signifie pas qu’il ne devrait pas y avoir de jeux compétitifs ou de jeux de groupe en mathématiques. Au contraire, le jeu est nécessaire à l’apprentissage. 

Ce qu’il faut prioriser dans tous ces jeux est le sentiment d’appartenance et de sécurité.  

Plusieurs élèves arrivent en 7e année et ont encore de la difficulté avec leurs tables de multiplication. J’ai donc mis en place une activité au début de chaque cours : je pose une question à chaque élève. Il doit y répondre dans un délai de 5 secondes. L’élève a une feuille au début de son cartable. Chaque jour, il doit écrire la question qui lui a été posée et mettre un crochet ou une croix à côté de la question. Son but est de revoir ces questions et de s’assurer d’être capable d’y répondre la prochaine fois. Son but ultime est d’arriver au point où il y aura beaucoup plus de crochets que de croix.

C’est à ce moment que je rappelle l’activité de la première journée : tu ne peux pas comparer le résultat d’une course entre une personne qui court facilement et une personne qui n’a qu’une jambe.  

Une fois que le jeune sait qu’il est en compétition avec lui-même et non avec ses camarades de classe, il peut plus facilement aller puiser dans sa motivation intrinsèque.

 

6. S’assurer que les élèves ont du plaisir en classe

Le plaisir, c’est contagieux! Si vous avez du plaisir en faisant des mathématiques, les élèves vont le ressentir et ils vont être plus ouverts à en faire.

La semaine dernière, j’étais en train d’enseigner un nouveau concept et je pouvais voir du coin de l’oeil qu’un éducateur s’appuyait dans le cadre de ma porte. Étant quelqu’un qui se distrait facilement, j’avais de la difficulté à me concentrer car je me demandais ce qu’il voulait. Alors, quand je suis arrivée à une nouvelle partie du concept, j’ai mis une question au tableau et j’ai donné une minute aux élèves pour qu’ils discutent entre eux et trouvent une solution.

Je suis sortie dans le corridor demander à l’éducateur ce que je pouvais faire pour lui et, aussitôt sortie, il s’est exclamé : “C’est des mathématiques!”  

Je l’ai regardé sans savoir exactement ce qu’il voulait dire et il a donc ajouté: “C’est tellement agréable d’observer le groupe. Tous les élèves sont impliqués. Leurs yeux brillent… ET C’EST DES MATHÉMATIQUES!!!!”

Ben oui! C’est des mathématiques! Il n’y a rien de plus le fun que les mathématiques!

L’élève qui a du plaisir dans son cours de maths va être beaucoup plus motivé à donner son 100% que l’élève qui trouve que c’est un fardeau de participer au cours.

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Il y a encore plus de stratégies et anecdotes que je pourrais partager, mais j’en ai déjà dit beaucoup! Si je devais faire un résumé, ce serait le suivant : 

Si l’élève reste assis, confortablement à attendre que l’enseignant lui donne la raison de se motiver, il ne va bien réussir que lorsqu’il aime son enseignant ou a peur des conséquences s’il ne fait pas ses travaux. Par contre, si l’élève se rend compte que sa réussite est entre ses mains, il sera plus motivé et participera plus activement dans son apprentissage.

Série Simplex
La série Simplex met l’accent sur le droit à l’erreur et la possibilité de travailler en équipe afin de trouver des solutions aux problèmes mathématiques de la vie courante.

 

Johanne A. Séguin, EAO
Enseignante de mathématiques en 7e et 8e année
Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE)

 

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