Explorer pour apprendre!

Par Christine Sauvé Guindon, Pascal Lafrance et Renée Lyne Girard


Utiliser tous ses sens pour apprendre en faisant : une approche expliquée et des exemples concrets basés sur l’accompagnement d’élèves sourdaveugles par les consultants du Consortium Centre Jules-Léger

 

Depuis 2011, le ministère de l’Éducation de l’Ontario préconise l’apprentissage par le jeu et une approche basée dans une culture d’enquête pour tous les élèves.

« Le jeu enrichit globalement la croissance de l’enfant : il constitue le fondement des compétences intellectuelles, sociales, physiques et affectives nécessaires pour réussir à l’école et dans la vie; il ouvre la voie à l’apprentissage. » (Conseil canadien sur l’apprentissage, 2006; p. 2)

« La recherche suggère que les élèves sont plus susceptibles de devenir des apprenantes et apprenants intéressés et autonomes dans les classes axées sur l’enquête. » (Jang, Reeve et Deci, 2010; NCERL en ligne – traduction libre)

Un proverbe ou une citation, que certains attribuent à Einstein et d’autres à Confucius, proclame :

Dis-moi et j'oublie, montre-moi et je me souviens, implique-moi et je comprends. » Ces mots résument parfaitement cette approche par le jeu, par l’enquête, par la découverte.

Une approche à prioriser

Cette approche n’est pas nouvelle dans le domaine de la surdicécité et est pleinement utilisée au Consortium Centre Jules-Léger. Avec des enfants sourdaveugles ou des enfants qui ont plusieurs besoins multisensoriels, une approche en communication totale/globale a toujours été préconisée comme stratégie gagnante. L’enfant doit pouvoir utiliser tous ses sens afin d’explorer, découvrir son environnement et apprendre.

Initialement, les sens des nouveau-nés sont limités à la faim, la soif et le confort; des besoins physiologiques de base. Au fur et à mesure que leurs sens se développent, leur monde, leur environnement s’agrandit et ils se mettent à explorer cet environnement. Les enfants qui ont des troubles de décodage visuel et auditif n’ont pas ce réflexe et doivent s’acclimater. On doit leur donner le goût de vouloir toucher, explorer, apprendre et bâtir des liens dans un climat de confiance et de sécurité. Il faut créer le besoin et leur permettre d’essayer différentes expériences en le faisant avec eux.

Selon John McInnes et Jackie Treffry, « Il n’est pas possible de faire quoi que ce soit tant que l’enfant n’a pas envie d’essayer. » (McInnes, J.M. et Treffry, J.A., Deaf-Blind Infants and Children: A Developmental Guide, 1982; pp.18-24)

Cette approche, que McInnes et Treffry ont nommée l’apprentissage par activités (activity-based learning), est centrée sur la participation de l’enfant lors d’activités positives planifiées.

(McInnes, J.M. et Treffry, J.A., Deaf-Blind Infants and Children: A Developmental Guide, 1982; p.18)

Ces activités sont adaptées au niveau de l’enfant; elles sont conçues pour atteindre divers objectifs et pour créer des occasions de communication. Elles donnent la possibilité d’utiliser les sens résiduels de l’enfant, que ce soit la vision ou l’audition, et d’utiliser le sens qui lui permet d’apprendre le mieux (par exemple, le toucher ou l’odorat) pour en faire un apprentissage multisensoriel. Ceci aide l’élève sourdaveugle à résoudre des problèmes, à faire des choix, à se créer des référents dans le temps et à exercer un certain contrôle sur son environnement et, par conséquent, sur son apprentissage. Grâce à l’exploration, les apprentissages peuvent être significatifs et peuvent bâtir sur les acquis du passé en faisant des liens avec d’autres concepts.

Pour adopter une telle approche en milieu scolaire, il faut prendre le temps d’observer pour considérer les forces, les goûts, les préférences, les passions et les intérêts de l’élève. L’apprentissage doit être concret et authentique, sortir des cadres de la salle de classe, et être différencié selon les besoins et préférences de l’élève. Surtout, l’équipe-école ne peut pas travailler en silo. Pour bien encadrer des élèves sourdaveugles ou des élèves avec de multiples besoins sensoriels, l’équipe-école doit apprendre à bien connaître l’élève, avoir un passeport de l’élève bien défini et travailler en étroite collaboration avec la famille afin de pouvoir faire des liens entre l’école et la maison et établir un continuum d’apprentissage.

Les étoiles du CCJL explorent et apprennent!

Shawn

Pour Shawn, l’école n’est pas entre les quatre murs d’une salle de classe. Son école consiste d’endroits dans la nature où il peut explorer, toucher, vivre, et expérimenter. Ses intérêts et toutes ses passions sont là. Il apprend par le biais d’expériences concrètes. L’exploration et l’apprentissage de la tortue passent par tous les sens pour Shawn. Il pourra par la suite apprendre à signer le mot tortue quand il en verra une image dans un livre et apprendre à lire le mot globalement en le voyant plusieurs fois. Il pourra prendre des photos et se bâtir un cahier d’expériences. Ensuite, en explorant les étangs à la recherche de tortues, il pourra remarquer que les grenouilles habitent dans les mêmes environnements que les tortues et il pourra ajouter ces photos à son livre d’expériences. En cherchant des grenouilles, il pourra découvrir des moules d’eau douce et, de là, les compter et les organiser par grosseur et par couleurs. Voilà que tout un monde d’apprentissage vient de s’ouvrir en partant de la curiosité et des intérêts de l’enfant. L’enfant, même sourdaveugle, vient de rédiger lui-même son manuel scolaire!

Ariane

Pour apprendre, il faut vivre l’expérience. Dans cette vidéo, Ariane, accompagnée de son père, fait de la pizza en utilisant tous ses sens. Ceci lui permet de comprendre quels sont les ingrédients sur sa pizza, d’apprendre ou de réviser du vocabulaire, et de reconnaître que son repas comprend plusieurs étapes, y compris la préparation, la cuisson, et sa partie préférée : manger la pizza !

Campbell

Campbell est un passionné de hockey, donc lorsqu’on lui a offert l’occasion de faire la mise au jeu pour son équipe préférée, tout son entourage s’est mobilisé. Son enseignant et l’équipe-école ont travaillé pour que Campbell puisse essayer de tenir la rondelle; ils ont travaillé pour le préparer à ouvrir la main; ils ont pratiqué la mise au jeu devant toute l’école pour qu’il puisse s’acclimater au bruit d’une foule. Bref, c’est cette préparation qui est devenue SA programmation scolaire, ses objectifs, son exploration et ses expériences pour favoriser SON apprentissage. Le grand jour arrivé, le père de Campbell s’est assuré de faire AVEC lui et non POUR lui. Cette expérience lui a certainement permis de bâtir sur ses connaissances pour pouvoir ensuite faire le premier lancer des Blue Jays quelques années plus tard.

Explorer pour apprendre : une pratique exemplaire

Explorer pour apprendre est une stratégie qui est essentielle pour non seulement des élèves avec une surdicécité ou des pertes multisensorielles, mais pour tous nos élèves, peu importe leur profil.

Bibliographie

  • McInnes, J.M. & Treffrey, J.A.: Deafblind Infant dans Children: A Developmental Guide. Toronto: Univeristy of Toronto Press, 1982 (révisé et réimprimé en 1993)
  • Prickett, J. G., & Welch, T. R. (1995). Deaf-blindness: Implications for learning, In K. M. Huebner, J. G. Prickett, T. R. Welch, & E. Joffee (Eds.), Hand in hand: Essentials of communication and orientation and mobility for your students who are deaf-blind, pp. 25-60). AFB Press.
  • Miles, B., & McLetchie, B. (2008). Developing concepts with children who are deaf-blind. The National Consortium on Deaf-Blindness.

Christine Sauvé Guindon | Consultante en surdicécité
Consortium Centre Jules-Léger

Pascal Lafrance | Consultant en surdicécité
Consortium Centre Jules-Léger

 

Renée Lyne Girard | Consultante en surdicécité
Consortium Centre Jules-Léger

 

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