GD Wouf : une micro-entreprise soutenue par des jeunes leaders et la communauté!

Par Ginette Bourque

Je vous présente le troisième épisode de la série Apprendre Autrement diffusée sur TFO.  Dans l’épisode, vous verrez ma classe de deuxième année, ainsi qu’une micro-entreprise de mon école nommée GD Wouf (École Grande-Digue, au N.-B.).  

GD Wouf

GD Wouf est une micro-entreprise de l’école Grande-Digue, au Nouveau-Brunswick. qui a vu le jour en 2016.  GD Wouf a impliqué un grand nombre de jeunes de l’école dès le début.  On avait d’abord demandé aux jeunes s’ils voulaient démarrer des entreprises. Un jeune, Gabriel Bourque, a eu l’idée de coudre des foulards, de confectionner des laisses et des biscuits de chiens.  Il a embauché des jeunes de la 2e à la 8e année pour l’aider.  Il leur a enseigné comment fabriquer les produits.

Comment fonctionne l’entreprise? 

Assez vite, on a encouragé Gabriel, qui était en cinquième année,  à donner des responsabilités à d’autres jeunes pour l’aider. Il a embauché des chefs de secteurs : chef des cuisiniers, chef des couturiers, chef des tresseurs, directeur des communications, chef des vendeurs et un directeur adjoint.

L’équipe de chefs se rencontre un midi par semaine pour planifier, tandis que tous les jeunes (employés) se rassemblent un midi par semaine pour fabriquer les produits dans une salle/cuisine communautaire.  D’année en année, les jeunes enseignent aux nouveaux comment faire, sous la supervision d’une ou parfois de deux enseignantes (qui observent et qui interviennent le moins possible). 

Bien que les produits soient fabriqués à l’heure du midi, les jeunes dirigeants de GD Wouf demandent parfois l'aide d'autres élèves ou de classes avec certains projets.  Par exemple, ils ont demandé l’aide des plus grands à construire des bancs et ont demandé à certaines classes de préparer des panneaux, des lettres, etc.

La réunion des chefs

Pendant la réunion des chefs, les jeunes ont toujours ces points à l’ordre du jour :  nouvelles des partenaires, nouvelles commandes, motivation des employés, qualité des produits, organisation et finances.  Ils se donnent des choses à faire dans la semaine et notent qui fera quoi sur des pense-bêtes qu’ils affichent.  S’ils doivent écrire une lettre, pratiquer une présentation orale ou mettre les livres à jour (finances), j’écris un courriel à leur enseignant(e) pour demander qu’on leur permette du temps de classe pour accomplir cette tâche. 

Si des problèmes ont été remarqués par un chef ou par moi, c’est pendant cette réunion qu’on en discute et non devant les employés.  Ceci permet aux jeunes de jouer un rôle de leadership, et ainsi, ceux-ci dépendent moins des enseignantes pour résoudre les problèmes.

Des partenariats précieux

Pendant cinq années, la micro-entreprise a développé des partenariats avec des animaleries et des boutiques locales pour la vente de leurs produits.  Ce sont les jeunes qui ont écrit des lettres et qui sont allés rencontrer les partenaires.  Ce sont les jeunes qui communiquent avec eux régulièrement, qui vérifient et préparent les commandes et qui livrent les produits.  À l’occasion, ils ont aussi voulu aller vendre au marché des fermiers l’été.

Expo-chiens

Pour tenter de faire connaître leur projet davantage, ils ont décidé, en 2018, d’organiser un expo-chiens communautaire avec toutes sortes d’activités.  Ils ont écrit plus d’une centaine de lettres et ont travaillé à l’organisation de l’événement pendant 10 mois.  Ils ont eu recours à un avocat (afin de protéger l’entreprise des poursuites possibles), ont obtenu des assurances pour l’événement et ont trouvé une photographe.  Tous ces partenaires ont aidé les jeunes bénévolement.  Ils ont invité des personnalités connues, les médias, des vétérinaires, des toiletteurs, des dresseurs et d’autres professionnels.  Une entraîneuse est même venue avec son équipement de course à obstacles.  Ils ont clôturé chaque zone, loué un chapiteau, organisé une vente à l’encan, une chasse à trésors pour chiens, un défilé de mode (avec les vêtements GD Wouf), une course à obstacles avec les chiens des personnalités connues, des stations de photos rigolotes, de la peinture au visage, un BBQ, des zones avec des dresseurs (pour des petits cours privés), et bien d’autres choses.  Les jeunes et les familles bénévoles avaient tous des responsabilités le jour de l’événement. Ils ont gagné leur pari et l’événement a généré d’autres profits pour l’entreprise.   

Après l’événement, GD Wouf se faisait connaître de plus en plus, mais on rencontrait toujours les mêmes défis.  On ne voulait pas assurer un parc à chiens sur un terrain privé.

Concours

Les jeunes ont participé à des concours pour jeunes entrepreneurs, organisés par Place aux compétences, et ils ont remporté des prix au gala provincial du défi Entrepreneurship Jeunesse. L’entreprise avait deux équipes qui faisaient des présentations orales régulièrement.  Chaque événement organisé permettait aux jeunes de se sentir valorisés et leur donnait le goût de continuer.

Prix au gala provincial du défi Entrepreneurship Jeunesse

Nouvel objectif

Après un moment, j’ai encouragé les jeunes à modifier leur objectif.  Ils ont finalement décidé d’offrir les profits à un organisme local qui s’occupe des sentiers pédestres (pour permettre aux gens de faire de l’exercice avec leur chien) et de créer une classe nature communautaire avec des aires de pique-nique.

Cadeau des jeunes

Les jeunes sont allés à l’AGA de l’organisme Le Sentier Pluriel de Grande-Digue et ont annoncé qu’ils leur offraient un gros cadeau de 10 000 $.  On a commencé alors à planifier les améliorations au sentier et la classe nature.  Même pendant que le monde s’est arrêté en raison de la pandémie, certains jeunes ont continué à organiser les travaux avec leurs partenaires.  Certaines familles sont même allées pelleter des copeaux de bois (une famille à la fois).  Après le retour à l’école l’année suivante, on a finalement pu tenir une petite cérémonie pour célébrer le cadeau fait par les jeunes à leur communauté.

Motivation des jeunes

Si les jeunes sont demeurés motivés, c’est en raison de l’énergie, de l’accueil et de l’esprit d’entraide que l’on voyait chez les dirigeants de l’entreprise.  Ils parlaient des façons de motiver  les employés à chaque réunion des chefs et se trouvaient des stratégies. 

Aussi, plus les jeunes s’engageaient, plus les chefs leur offraient la chance de participer aux concours et aux présentations orales en communauté.  (On s’assurait d’avoir des jeunes « d’expérience » et des nouveaux aux activités spéciales de GD Wouf (ex : une réunion en soirée avec des partenaires communautaires, une vente communautaire...).    

De plus, les directeurs offraient la chance aux jeunes de devenir des chefs d'entreprise et ainsi, ils assuraient la relève après le départ des plus vieux.   

Les concours pour les jeunes entrepreneurs et la publication des activités de GD Wouf dans les médias ont aussi joué un rôle important dans la motivation des jeunes. 

Un autre facteur qui motivait les jeunes était l’implication des gens de la communauté dans leurs projets.  Les gens qui collaboraient avec les jeunes entrepreneurs s’intéressaient à leurs idées et faisaient équipe avec eux.    

Finalement, ils sentaient que leur travail était important.  Les présentations orales étaient faites en situations authentiques, de même pour l’écriture des lettres, la tenue des livres, etc.  La motivation venait du fait qu’ils sentaient qu’ils avaient un impact réel sur leur communauté. 

École Grande-Digue

Bien qu’il y a plusieurs micro-entreprises à l’école Grande-Digue, il y a aussi d’autres genres de projets qui placent les élèves au centre de leurs apprentissages.  On a à l’horaire du temps pour des projets créatifs. Les jeunes décident ce qu’ils veulent faire et se regroupent par intérêts. 

Projets créatifs

Gabriel, premier directeur de l’entreprise-expo-chiens

Dans les classes de la 6e à la 8e année, par exemple, les élèves proposent des idées et s'inscrivent à un projet passion.  Un enseignant s’occupe de guider chaque projet.  Certains font de la charpente, d’autres des films, de la couture, de la cuisine, etc.  Des gens de la communauté viennent aider lorsque possible.  On crée avec les élèves une liste d’objectifs et une échelle qui servira à évaluer le travail de l’élève.  

Dans ma classe de 2e année, vous avez vu dans la vidéo des projets créatifs où les élèves se regroupaient selon leurs idées de projets.  Les projets choisis avaient comme but de rendre le monde meilleur (voir les objectifs de développement durable des Nations-Unies) ou d’aider la communauté.  Par exemple, un projet servait à nourrir les jeunes (faim zéro), un autre servait à aider les jeunes à se faire des amis (bien-être), etc.  Je rencontre tour à tour chaque groupe afin de cibler les objectifs pour la prochaine session.  Au besoin, je leur laisse une lecture, une vidéo ou une question ou je les mets en contact avec une personne-ressource.  À la fin de chaque session de travail, chaque équipe présente ce qu’elle a fait au reste de la classe.  Je m’assure de miser sur différents résultats attendus des programmes d’études avec chaque équipe (ceux qui se marient bien à leur projet). 

Projets de classe

À d’autres moments de l’année, ce temps de projets créatifs est dédié à faire avancer un projet de classe multidisciplinaire.  Par exemple, dès le premier jour d’école, nous avions des chenilles de monarques dans la classe.  Ceci a mené à plusieurs questions et a fini par donner naissance à un projet, choisi par les élèves, qui a pour but de sauver les papillons monarques.  Nous avons appris à connaître le cycle de vie du papillon et l’importance de sa plante d’asclépiade.  Nous avons décidé qu’il fallait écrire des lettres pour avoir du financement pour acheter une serre, dans le but de récolter les graines, de les planter et de les distribuer à la communauté.  Nous avons communiqué avec un expert. Pendant le cours de mathématiques, nous avons compté et mesuré les graines et, en français, nous avons lu et écrit des lettres. Pendant le temps de projets créatifs, nous avons préparé un documentaire pour sensibiliser le public.  Nous allons sous peu créer un jardin communautaire.  

Nous avons aussi un projet qui servira au musée local.  Comme nous devons apprendre comment on vivait ici autrefois (sciences humaines), on a décidé de collaborer avec des personnes âgées et les responsables du musée.  Ceci a donné l’idée aux jeunes de monter une collection de films qui seront visionnés par les visiteurs du musée.  Ce projet a aidé le musée à avoir du financement et ils moderniseront le musée sous peu à l’aide d’écrans tactiles qui feront jouer nos vidéos.  Bien sûr, avant de créer des vidéos, il faut lire et communiquer avec nos experts.    

Qu’en disent les élèves?

Les élèves disent qu’ils ne travaillent pas dans ma classe.  Ils disent qu’à la place de travailler, ils aident tout le monde et ils affirment que tout ce que l’on fait est important.  On ne fait pas de projets créatifs toute la journée, mais les élèves travaillent de manière sérieuse  le reste du temps, car ils savent que s’ils ne perdent pas leur temps, ils auront plus de temps pour travailler sur les projets créatifs. 

Comment je vois mon rôle

Je me réjouis de voir des jeunes engagés et motivés, qui aiment venir à l’école.  Je ressens beaucoup de gratitude envers tous les partenaires communautaires qui m’aident à valoriser les jeunes et qui les appuient dans leurs projets.  J’accepte que je ne contrôle pas tout et je vise à guider plutôt qu’enseigner.  J’accepte que ceci prenne plus de temps.  Par exemple, je dois parfois interrompre une session de travail pour faire de l’enseignement explicite de comportements en lien avec la collaboration.  À la place de préparer tout le contenu pour le lendemain, je prépare des questions ou je cherche des ressources (lectures, vidéos, personnes) pour les amener plus loin dans leurs projets. Parfois même, je simplifie une lecture afin qu’elle puisse être comprise par mes élèves.  Je me dis que mon travail n’est pas de transmettre mes savoirs, mais de les amener à découvrir, à chercher les réponses à leurs questions et à co-construire leurs savoirs.  Je me dis que je dois guider et je dois leur permettre de démontrer ce qu’ils ont appris avec créativité.  Je me dis que je dois laisser la place aux jeunes, car même lorsqu’ils sont petits, ils sont capables de réaliser de grandes choses et de rendre le monde meilleur.     

 

Épisode GD Wouf - Classe extérieure de la série Apprendre autrement

Des élèves de la 3e à la 8e année de Grand-Digue ont tous un point en commun : ils sont partie prenante de l'entreprise scolaire coopérative GD WOUF. Depuis 2016, les élèves font des apprentissages en œuvrant au sein d'une micro-entreprise qui redonne à leur communauté qui aime voir ses élèves apprendre autrement.

Voir l'épisode sur IDÉLLO

Série Apprendre autrement
Apprendre autrement présente les écoles autrement, les écoles de demain, qui ont trouvé une réponse novatrice aux défis face à la motivation, face à l’engagement des apprenants, tout en améliorant le rendement scolaire. La démarche multidisciplinaire proposée veut donner aux élèves le goût d'apprendre tout en répondant mieux aux besoins de ceux-ci. Dans cette série, on peut vraiment dire que les élèves apprennent autrement.

Voir la série sur IDÉLLO

Ginette Bourque | Enseignante de la 2e année
École Grande-Digue

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