Pédaler pour l’éducation!

Rencontre avec Jacques Tondreau

Nous avons rencontré Jacques Tondreau. Il a 62 ans. Il est un sociologue de l’éducation à la retraite active. Il a œuvré dans le monde de l’éducation pendant toute sa carrière, dont plusieurs années en recherche. 

Dans quelques jours, il partira faire le tour du Canada en vélo. Tout seul, pendant 4 mois. Il pédalera pour une cause qui lui tient à cœur depuis toujours : l’éducation. 

Son grand rêve est de découvrir et de faire découvrir la francophonie canadienne et les peuples autochtones. 

Il pédalera aussi pour favoriser la réussite des élèves, surtout des élèves en milieux défavorisés pour un organisme qui s’appelle Maman va à l’école. Comme le thème de notre édition de mai est : Pourquoi impliquer la famille et la communauté dans la réussite éducative? Nous avons eu envie de le rencontrer pour qu’il nous parle de sa vision de la persévérance et de la motivation scolaires et éducatives. 

Son trajet :  

  • 8 500 km à parcourir de Whitehorse (Yukon) à Saint-Jean (Terre-Neuve). 
  • Neuf provinces et un territoire à traverser

Son bagage : 

  • Voyage en solitaire, avec tout l'équipement nécessaire (tente, sacoches et gamelles, etc.). 
  • 25 kg (55 lb) de bagages; 16 kg (35 lb) pour le vélo et 61 kg (134 lb) pour le gars qui va pédaler, pour un total de 102 kg (224 lb). 
  • Avec ce poids, il faut apprendre à faire de la philosophie dans sa tête en montant les belles grosses côtes. 

La durée de son périple : 

  • Près de quatre mois sur la route, par beau comme par mauvais temps. 

La route s’ouvre pour lui. 

Pourquoi avez-vous décidé de faire ce pèlerinage à vélo?

C’était un rêve à réaliser : pédaler pour découvrir le Canada. De mon point de vue, afin d’éviter la démotivation trop rapide en cours de route, il faut ajouter des couches de sens au voyage, afin de lui donner une dimension plus grande et plus significative. C’est pour cela que j’ai décidé de faire ce voyage pour trois raisons et une grande cause. 

  1. La cause francophone
    J’ai fait une constatation qui a été une des bougies d’allumage de mon projet. J’ai réalisé que les Canadiens-Français ne se connaissent pas si bien dans notre grand pays. C’est dommage. Alors, pourquoi ne pas les aider à en apprendre un peu plus?
  2. Documenter la situation des Autochtones du Canada.
    Je vais aussi documenter la situation des Autochtones et Métis si c’est possible. J’aimerais comprendre leurs combats et leurs réalisations.
  3. La découverte des grandes femmes canadiennes qui ont marqué l’histoire
    J’ai envie de découvrir les femmes canadiennes qui ont fait l’histoire : état de fait historique où les femmes ont joué un rôle décisif dans l’histoire du Canada. Je m’inspire beaucoup ici de Serge Bouchard et de Marie-Christine Lévesque avec leurs Remarquables oubliées.

Vous avez dit que vous pédaliez aussi pour une grande cause. Laquelle?

Comme sociologue de l’éducation ayant 30 ans d’expérience dans le domaine, et qui est spécialisé notamment dans la réussite scolaire des élèves, je peux me permettre d’affirmer sans un seul doute que d’aider des mères monoparentales à terminer leurs études secondaires, c’est un des moyens les plus sûrs pour favoriser la persévérance et la réussite scolaire de leurs enfants. C’est la raison pour laquelle le voyage endosse une campagne de dons associée à une cause importante : Maman va à l’école1 qui soutient financièrement le retour aux études des mères monoparentales afin de les aider à reprendre puis  terminer leurs études secondaires. 

Quels sont les impacts de l’organisme Maman va à l’école dans la vie des familles?

Depuis un peu plus de 10 ans, de nombreuses mères ont pu bénéficier du soutien de Maman va à l’école. L’an dernier, par exemple, c’est 122 mères qui ont bénéficié du soutien de l’organisme. 

Je veux soutenir cette cause parce qu’aider des mères monoparentales à terminer leurs études secondaires les prépare à soutenir encore plus leurs enfants dans leurs devoirs et leurs leçons et à devenir des modèles de persévérance scolaire. On n’est pas ici dans l’abstraction ou le conceptuel, c’est une mesure concrète, qui ne demande pas de mettre en œuvre un plan d’action en 20 pages : en aidant directement les mères, on aide directement les enfants à mieux réussir à l’école, c’est aussi simple que cela. 

Dans la campagne de dons pour Maman va à l’école associée à mon voyage, je souhaite amasser 8500 $, soit un dollar par kilomètre parcouru2. Si le voyage permettait d’amasser encore plus d’argent, c’est certain que j’en serais très heureux.

En cours de route, comment comptez-vous partager vos trouvailles?

Pendant le voyage, je souhaite produire quelques articles sur les différents sujets dont nous avons parlé, mais surtout sur le français et les francophones. 

Documenter tout au long du voyage ce que j’expérimente, ce que je vois et ce que j’apprends avec des photos, des vidéos et des montages vidéo/photo. J’ai déjà commencé à publier sur ma page Facebook3 des informations liées à mon voyage. Cette page Facebook sera mon canal de diffusion principal (700 personnes qui me suivent et qui partagent l’information : il y en aura beaucoup plus à mesure que le voyage avancera). 

Sous la supervision d’une enseignante ou d’un enseignant, ou encore d’un adulte désigné par l’établissement scolaire, j’invite aussi les élèves qui auraient envie de pédaler avec moi à le faire! 

Je compte également préparer des capsules que je publierai sur ma page Facebook sur les trois raisons de mon voyage et sur la grande cause qui est celle de la persévérance scolaire.

Avez-vous des craintes particulières?

Oui bien sûr. D’abord, j’ai 62 ans. Je ne pédale plus comme à 20 ans et mon bagage est lourd. Sur la route, il en faut beaucoup de volonté…  Cette force qui nous pousse à aller jusqu’au bout. Cette motivation de terminer ce qui a été commencé. Seule une blessure physique pourrait compromettre le succès du voyage. 

De plus, je pense que la solitude peut faire peur. Mais je considère qu’il ne faut pas redouter la solitude et être bien avec soi-même, même lors des longs bouts de chemin où la civilisation sera peu présente.  

Autre aspect qui peut faire peur : on ne doit pas craindre les grosses bêtes.

Il faut partir avec la conviction qu’on va y arriver. La motivation est toujours forte au départ d’une aventure, mais elle s’étiole en cours de route. Il faut s’engager et persévérer. C’est mon objectif.

Comment vous êtes-vous préparé pour le voyage?

Je suis cycliste depuis trois décennies. J’ai fait mon premier voyage à vélo en 1990. Mais pour ce voyage de 4 mois, c’est une autre histoire. Il y a plusieurs étapes dans la préparation. 

Je dirais que la chose la plus importante au départ, c’est de se bâtir une conviction qu’on peut faire un tel voyage : une conviction qu’on va partir, et une conviction qu’on va aboutir. Sans conviction, ça laisse place au doute et ce n’est sûrement pas l’état d’esprit recommandé au départ d’un voyage. 

La suite, c’est beaucoup d’organisation : c’est d’abord organiser le matériel, ce qui demande une certaine expérience du cyclotourisme afin de bien évaluer ce qui sera ou pas mis dans les bagages; c’est ensuite organiser le trajet, dans mon cas, je ne cherche pas le trajet le plus court, je cherche plutôt le trajet le plus sûr et le plus agréable. 

Préparer le voyage c’est aussi organiser les rencontres que l’on souhaite faire pendant le voyage, les lieux qu’on souhaite visiter, les endroits où on pourra coucher, etc. 

En bref, la préparation est une façon de faire le voyage avant le voyage, de se faire une carte mentale du trajet, d’anticiper les difficultés et les plaisirs qui viendront et, surtout, de se préparer à accueillir l’imprévu, parce que de l’imprévu, il va y en avoir, ça c’est une certitude.

Jacques, qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour ce grand voyage?

D’être heureux de pédaler. 

Comme l’aurait dit Goethe, semble-t-il : « Pour vivre heureux, il faut voyager avec deux sacs : un pour donner, l’autre pour recevoir ». Je souhaite donner beaucoup pendant ce voyage, et je sais que je recevrai beaucoup. Finalement, je crois bien que je vais être heureux pendant ce périple. 

C’est ce que nous vous souhaitons M. Tondreau. Un bon voyage, de belles découvertes. Merci de pédaler pour la cause et d’être une inspiration pour nos élèves… pour nous tous en fait! 

Merci d’avoir pris le temps de nous rencontrer avant votre départ. 

Nous vous suivrons! 

Toute l’équipe du Webzine IDÉLLO

Références

1 https://fr-ca.facebook.com/mamanvaalecole/ 

2 Pour faire un don à Maman va à l’école (MVE), allez sur CanaDon.org, recherchez MVE, puis indiquez le montant du don et Voyage vélo-2022. 

3 https://www.facebook.com/jacques.tondreau/

 

Jacques Tondreau, sociologue de l’éducation ayant œuvré en éducation depuis plus de trente ans, dont une dizaine en recherche. Il siège à partir de 2002 au Comité national de pilotage de la stratégie d’intervention en milieu défavorisé Agir autrement (SIAA), qui touche 778 écoles primaires et secondaires et autour de 180 000 élèves au Québec. Il est lauréat du prix des Fondateurs (Founders’ Prize) de l’Association canadienne d’histoire de l’éducation pour le meilleur ouvrage écrit en français portant sur l’histoire de l’éducation au Canada en 2000.

Source : https://www.ledevoir.com/societe/education/465023/ecole-en-milieu-defavorise-concevoir-une-ecole-juste-et-efficace

Propos recueillis par :

Caroline Moffet | spécialiste en contenus éducatifs, TFO-IDÉLLO
cmoffet@tfo.org

Depuis plus de vingt ans, je travaille dans le monde de l’éducation comme enseignante, conseillère pédagogique et conceptrice de matériel pédagogique. À l’instar de Rosa (2018), je milite pour l’École comme zone de résonance. Selon moi, pour résonner juste, la pédagogie doit être bienveillante, sécurisante et motivante. Je considère donc que l’École a le devoir de former des individus créatifs et indépendants, des citoyens éveillés, engagés et heureux. Notre rôle en pédagogie est d’inspirer quelque chose qui donne la chance de se comprendre, de comprendre l’Autre et le monde, ensemble.

 

AUTRES Articles DE LA THÉMATIQUE

La « Folie Furieuse » : un événement culturel rassembleur

GD Wouf : une micro-entreprise soutenue par des jeunes leaders et la communauté!

Le français hors de la salle de classe

Ensemble autour de ton grand cerf-volant

Nouveautés sur IDÉLLO – mai 2022

Des ressources IDÉLLO sur l’implication communautaire