Investir le monde numérique en français
Par l'Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF)
L’ACELF est un réseau pancanadien d’expertise-conseil en construction identitaire. Elle accompagne le personnel des écoles de langue française pour renforcer leur pouvoir d’action afin d’aider les jeunes à faire une place significative à la francophonie dans leur vie. Son blogue Francosphère, d’où est tiré ce texte, informe, inspire et met en valeur les meilleures pratiques en matière de construction identitaire.
À l’école, on apprend à mieux communiquer. On lit des livres, on rédige des dissertations et on présente des exposés oraux. Pourtant, dans la vie de tous les jours, les élèves communiquent principalement par divers messages transmis sur le Web. Médias sociaux, clavardages et forums ne sont là que quelques-uns des moyens de participer à l’univers numérique. Prenons un moment pour y penser. Vous êtes-vous déjà demandé comment les élèves qui fréquentent nos écoles de langue française conçoivent leur expérience sur le Web? Surtout, vous êtes-vous déjà demandé dans quelle langue ils choisissent d’y communiquer? Et si, comme nous le suggèrent les chercheuses Megan Cotnam-Kappel et Heather Woods, dans la revue Éducation et Francophonie, l’école considérait « le potentiel de cette participation pour amener les jeunes à trouver des occasions de s’exprimer et de créer en français […] dans une francophonie qu’ils redéfinissent »?
Francosphère a rencontré des étudiantes en éducation qui souhaitaient en apprendre plus sur le sujet. Dans le cadre de la publication de son article « La participation en ligne en Ontario français : pistes de réflexion et d’action pour redéfinir la francophonie avec et pour les jeunes », paru dans le plus récent numéro de la revue Éducation et francophonie « La francophonie, un objet à redéfinir », Megan Cotnam-Kappel a répondu à leurs questions.
Le monde du Web vu par les ados
La professeure adjointe Megan Cotnam-Kappel, en collaboration avec la chercheuse Heather Woods, présente les données d’une étude sur la participation des jeunes sur le Web. Celle-ci a été réalisée auprès d’élèves du secondaire âgés de 14 à 17 ans, fréquentant des écoles de langue française, en Ontario.
Dans leur article, les chercheuses donnent accès à plusieurs informations importantes pour les milieux d’enseignement des écoles de langue française. Elles notent par exemple que « les élèves remarquent le manque d’occasions de développer leurs compétences de participation en ligne à l’école ». Leur étude révèle aussi que l’anglais est la langue la plus souvent utilisée par les élèves interrogés. Sur le Web, « tout ce que je peux faire en anglais, je le fais en anglais », a même expliqué l’un des jeunes. Bien que 41 % des élèves utilisent parfois le français en ligne, cette langue est plutôt « réservée aux espaces privés ou semi-privés, aux communications avec la parenté ou avec certains amis », précise Megan Cotnam-Kappel.
L’école peut faire une différence!
Dans ce cas, « que peut faire le personnel enseignant pour encourager les jeunes à communiquer en français en ligne? », questionne Awa MBodge, étudiante à la maîtrise en éducation à l’Université d’Ottawa.
Selon Megan Cotnam-Kappel, il ne faut pas hésiter « à ouvrir un dialogue en classe ». Elle propose au personnel enseignant d’interroger les jeunes sur l’importance de la participation au monde numérique en français. Elle les encourage aussi à discuter des solutions possibles pour créer des espaces de discussions en français sur le Web. Selon elle, les jeunes peuvent en apprendre beaucoup au personnel enseignant, notamment « sur leur réalité, leur culture et ce qu’ils font en ligne ».
Au-delà des discussions, la chercheuse encourage les écoles à organiser des activités pédagogiques liées à la participation des jeunes à l’univers numérique. Cette dernière pense que « l’école de langue française a une double mission à l’égard du numérique ». Selon elle, les milieux scolaires ont « cette responsabilité d’équiper nos jeunes, de les amener à développer une variété de compétences numériques liées à la participation, mais également à la lecture et à l’écriture en ligne ». Plus encore, Megan Cotnam-Kappel estime que « nous avons la responsabilité de coconstruire avec les jeunes des ressources et des contenus qui sont pertinents pour leur identité, leur culture, leur voix [pour] qu’ils se sentent représentés en ligne et qu’ils se sentent à l’aise de publier [du contenu] ».
Vivre une francophonie innovante
Les écoles de langue française ont donc tout avantage à investir le monde numérique afin d’affirmer une francophonie innovante, ancrée dans le quotidien et les préoccupations des jeunes. La chercheuse espère que les membres du personnel enseignant qui consulteront son article y trouveront « différentes pistes de réflexion et d’action qui leur permettront de voir des petits gestes qu’ils peuvent poser déjà, dès demain, dans leur salle de classe, pour accompagner leurs élèves et imaginer des retombées pédagogiques à partir de ses données ».
Bref portrait d’une chercheuse branchée
Megan Cotnam-Kappel est professeure adjointe à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa. Spécialiste en technologies éducatives, ses intérêts de recherche portent sur les littératies et la citoyenneté numériques, le mouvement Bricoleur (Maker) et les particularités de l’enseignement en milieu minoritaire. Franco-Ontarienne engagée, elle mène un programme de recherche qui vise le développement des compétences en littératies numériques, notamment la création en ligne et le codage, dans le but de réduire la fracture numérique d’utilisation à travers le Canada et en milieu minoritaire en particulier. Megan Cotnam-Kappel est aussi la coanimatrice du balado UOPEDcast, créé pour les élèves de son cours « Environnement d’apprentissage et technologie de l’information et des communications », accessible gratuitement au grand public.
Au fait, la revue Éducation et francophonie, c’est quoi?
Éducation et francophonie est une revue scientifique arbitrée, publiée par l’ACELF, qui présente des résultats de recherche inédits sur l’éducation en langue française. Depuis 1971, elle contribue à l’avancement des connaissances en éducation francophone au Canada et stimule la réflexion des leaders du domaine. Les thèmes qu’elle aborde touchent tous les ordres d’enseignement et font appel à la contribution de chercheuses et de chercheurs à travers la francophonie canadienne et internationale. Son numéro « La francophonie : un objet à redéfinir », paru au printemps 2020, propose de considérer l’école comme un lieu de scolarisation, mais aussi un lieu de socialisation et de construction identitaire à l’ère de la mondialisation. Vous aimeriez en savoir plus? Faites la lecture de ce numéro de la revue dès maintenant!
Les revues scientifiques, pourquoi c’est important?
Lorsqu’on étudie en éducation ou dans tout autre domaine, on est inévitablement amené à lire des textes publiés dans des revues scientifiques. Pourquoi est-ce important? Francosphère a posé la question à des étudiants de l’Université d’Ottawa. Selon Elie Ndala, étudiant à la maîtrise en éducation, « les articles scientifiques me sont utiles parce qu’ils me permettront de parfaire mes connaissances et d’avoir plus de ressources pour bâtir mon cursus ». Vicky Lalande, pour sa part, lit des études scientifiques dans le cadre de son baccalauréat en éducation primaire, mais aussi par intérêt personnel. « Je pense qu’elles m’aideront beaucoup dans le cadre de ma profession enseignante, que ce soit parce que je pourrai démystifier un peu la pédagogie de l’enseignement, mais aussi parce que je pourrai révéler les limites de l’éducation et ne pas les utiliser quand je vais être enseignante », explique-t-elle. Les revues scientifiques permettent donc de se construire en tant que futures enseignantes ou futurs enseignants.
Un merci tout spécial
Cette capsule est la deuxième d’une série de trois vidéos portant sur le numéro « La francophonie : un objet à redéfinir », de la revue Éducation et francophonie. Vous pouvez visionner la première capsule « Moi, j’suis pas francophone » sur Francosphère. Toutes les vidéos de la série ont été réalisées grâce à la participation bénévole d’Hélène Boulay, étudiante à la maîtrise en éducation, en collaboration avec le Centre Michaëlle-Jean pour l’engagement mondial et communautaire de l’Université d’Ottawa.
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